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— Je crois que sir Wycherly vous répondrait qu’il en est très en état.

— Il peut être un Wychecombe, sir Wycherly ; mais comme bon voilier, il n’est pas un Plantagenet. Il devrait être de retour depuis plusieurs heures.

— Je suis très-surpris qu’il ne soit pas revenu depuis longtemps, sir Gervais. Il est actif, il sait ce qu’il doit faire, et il n’y a pas un meilleur cavalier dans tout le comté. Cela n’est-il pas vrai, Mildred ?

Mildred ne jugea pas nécessaire de répondre à cette question ; mais, en dépit des efforts qu’elle avait faits pour maîtriser ses sentiments depuis ce qui s’était passé le matin sur le promontoire, elle ne put empêcher une pâleur mortelle, causée par la crainte qu’il ne fût arrivé quelque accident au jeune lieutenant, de se répandre sur ses joues, ni le sang de s’y précipiter ensuite avec force, à la question inattendue de sir Wycherly. Se détournant pour cacher sa confusion, elle rencontra les yeux de Tom fixés sur elle avec une expression si sinistre, qu’elle en trembla. Heureusement pour elle, d’autres idées occupaient l’esprit du vice-amiral, et, prenant son ami à part, il l’emmena à un bout de l’appartement, et lui dit à demi-voix :

— Il est heureux, Bluewater, qu’Atwood ait eu la précaution d’apporter ici un duplicata de mes dépêches, et si ce messager boiteux n’est pas de retour quand nous aurons dîné, je ferai partir sur-le-champ un second courrier. La nouvelle est trop importante pour tarder à en donner avis ; et après avoir ramené ma flotte dans le nord pour qu’elle soit prête à y servir l’état en cas de besoin, ce serait une folie sans exemple de laisser le ministère dans l’ignorance des raisons qui m’y ont déterminé.

— Il doit en savoir à peu près autant que moi, dit le contre-amiral d’un ton un peu piqué, mais sans aucune amertume. Le seul avantage que j’aie sur lui, c’est que je sais où est l’escadre, et certainement c’est plus que n’en sait le premier lord de l’amirauté.

— Cela est vrai ; je l’avais oublié. Mais vous devez sentir, mon cher ami, qu’il y a un sujet sur lequel il vaut mieux que je ne vous consulte pas. J’ai reçu des nouvelles importantes que mon devoir, comme commandant en chef, exige que… que je garde pour moi seul.

Sir Gervais sourit en prononçant ces derniers mots, quoiqu’il parût peiné et embarrassé. Le contre-amiral ne laissa paraître ni chagrin ni désappointement ; mais ses yeux et tous ses traits indiquaient une curiosité vive et presque irrésistible, quoique ce fût un défaut dont