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que j’étais retenu par un sot personnage qui avait une plainte à me faire, contre un braconnier. Le jeune Wycherly, mon homonyme, n’est pas encore arrivé, quoiqu’il y ait deux heures qu’il devrait être de retour, et M. Atwood vient de me dire que le vice-amiral n’est pas sans inquiétude pour ses dépêches. Je lui ai répondu que M. Wycherly Wychecombe, quoique je n’aie pas le bonheur de le compter parmi mes parents, et qu’il ne soit qu’un Virginien, est un jeune homme sur qui l’on peut compter, et que les dépêches sont en sûreté, quel que soit le motif qui peut retenir le courrier.

— Et pourquoi un Virginien ne serait-il pas aussi prompt, et ne mériterait-il pas autant de confiance qu’un Anglais, sir Wycherly ? demanda mistress Dutton. D’ailleurs un Virginien est Anglais, seulement il est séparé de nous par l’Océan.

Elle prononça ces mots avec beaucoup de douceur, ou du ton d’une femme habituée à ne pas donner un libre essor à ses sentiments. Cependant elle parlait avec une sorte de vivacité, et son accent sentait peut-être un peu le reproche, tandis que ses yeux se fixaient avec un intérêt bien naturel sur les beaux traits de sa fille.

— Sans doute, pourquoi non ? répliqua le baronnet ; les Américains sont Anglais comme nous ; seulement, ils sont nés hors du royaume, ce qui peut faire quelque différence, Ils sont sujets du même roi, et c’est beaucoup. Enfin ce sont des miracles de loyauté, car on assure qu’il y a à peine un jacobite dans toutes les colonies.

— M. Wycherly Wychecombe est un très-respectable jeune homme, dit Dutton, et j’entends dire qu’il est excellent marin pour son âge. Il n’a pas l’honneur d’appartenir à votre famille distinguée, comme M. Thomas que voilà ; mais il est probable qu’il se fera lui-même un nom. S’il venait à commander un bâtiment, et qu’il fît des prouesses comme il en a déjà fait. Sa Majesté le ferait probablement chevalier, et alors nous aurions deux sir Wycherly Wychecombe.

— J’espère qu’il n’en sera rien, s’écria le baronnet ; je crois qu’il doit y avoir une loi contre cela. Même dans l’état actuel des choses, je serai obligé d’écrire le mot — baronnet — à la suite de ma signature, afin d’éviter toute confusion, comme le faisait mon digne aïeul autrefois. Il n’y a pas plus de place en Angleterre pour deux — sir Wycherly, — que dans le monde pour deux soleils. — N’est-ce pas votre opinion, miss Mildred ?

Le baronnet avait souri de sa comparaison, montrant ainsi qu’il avait parlé moitié sérieusement, moitié en badinant ; mais comme sa question avait été faite d’une manière trop directe pour ne pas