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sur le résultat de la contestation qui avait lieu en Europe. Depuis cette époque, rien n’était arrivé qui obligeât un homme que son devoir retenait sur l’Océan à se prononcer très-décidément entre les deux maîtres qui prétendaient avoir droit à son obéissance. Sir Gervais avait toujours été en état de le convaincre qu’il soutenait l’honneur et les intérêts de son pays, ce qui devait suffire à un patriote, n’importe qui portât le nom de roi. Malgré cette grande différence dans les sentiments politiques des deux amiraux, — sir Gervais étant aussi décidément whig que son ami était tory, — leur amitié personnelle n’avait jamais connu aucun nuage. Du reste, le vice-amiral connaissait assez bien l’officier, qui était son inférieur d’un grade, pour être sûr que le meilleur moyen de l’empêcher de prendre ouvertement le parti des jacobites ou de leur rendre des services secrets, c’était de mettre en son pouvoir de manquer d’une manière flagrante à la confiance qu’on avait en lui. Il était certain que, tant qu’on aurait foi dans son intégrité, on pouvait compter sur Bluewater, mais que s’il arrivait jamais un moment où il voulût quitter le service de la maison de Hanovre, il se démettrait franchement de tous ses emplois pour aller se ranger sous l’étendard ennemi, sans profiter de la confiance par lui obtenue pour nuire au parti qu’il servait d’abord. Il est également nécessaire que le lecteur comprenne bien que le contre-amiral n’avait jamais fait connaître ses opinions politiques à aucune autre personne qu’à son ami, et que le Prétendant et ses conseillers les ignoraient aussi bien que George II et ses ministres. Le seul effet que ses sentiments eussent produit sur lui en pratique avait été de lui faire refuser le commandement en chef d’une escadre, ce qui lui avait été offert plusieurs fois.

— Non, répondit sir Gervais à la remarque de sir Wycherly, quoique l’expression grave et pensive de sa physionomie prouvât que ses opinions n’étaient pas d’accord avec son langage ironique ; non, sir Wycherly ; un marin à bord d’un bâtiment du roi n’a pas la moindre idée de l’obéissance passive et de la non-résistance. C’est une doctrine qui n’est intelligible que pour les papistes et les tories. Mais Bluewater est enfoncé dans de profondes réflexions, il pense sans doute à la manière dont nous tomberons sur M. Gravelin, si nous sommes assez heureux pour le rencontrer. Ainsi donc, si cela vous convient, nous changerons de conversation.

— De tout mon cœur, sir Gervais, et après tout il n’y a pas grande utilité à discuter plus longtemps les affaires du Prétendant, car il paraît que personne ne songe plus à lui depuis le dernier échec qu’a reçu le roi Louis XV.