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ter, qui fut blessé à mort dans notre dernière action avec le comte de Vervillin ? continua le duc.

Un éclair d’intelligence sillonna les traits flétris et ridés du vieillard ; son œil brilla, et un sourire pénible se fit jour sur ses lèvres.

— Quoi, Dick ! s’écria-t-il avec plus de force dans la voix qu’il n’en avait encore montré. Dick ! eh ! duc, le bon, l’excellent Dick ! Nous avons été midshipmen ensemble, et je l’aimais comme mon frère.

— Je savais que vous l’aimiez, et à présent je suis sûr que vous vous rappelez la manière malheureuse dont il est mort.

— Dick est-il mort ? demanda l’amiral avec un air de stupéfaction.

— Merci du ciel, sir Gervais ! vous savez fort bien qu’il est mort, et que ce que vous êtes venu voir ici est son monument. Vous devez vous rappeler le vieux Plantagenet, et le comte de Vervillin, et la bonne salade que nous lui avons servie ?

— Pardonnez-moi, Galleygo ; mais il n’est pas besoin de parler avec tant de chaleur. Quand j’étais midshipman, les vieux officiers désapprouvaient toujours trop de chaleur dans les discours.

— Vous me faites perdre du terrain, dit le duc au maître-d’hôtel, en le regardant de façon à lui imposer silence. — N’est-il pas extraordinaire, sir Wycherly, que son esprit se reporte toujours aux scènes de sa jeunesse, et oublie toutes celles de sa vie postérieure ? — Oui sir Gervais, Dick est mort. Il a péri dans cette bataille où les Français vous mirent entre deux feux, et où vous aviez l’Éclair d’un côté et le Pluton de l’autre.

— Je m’en souviens ! s’écria sir Gervais d’une voix forte, son œil reprenant quelque chose du feu de la jeunesse ; oui, je m’en souviens. Nous avions l’Éclair par notre travers de tribord, et le Pluton un peu par notre bossoir de bâbord ; Bunting était monté sur la grande hune pour chercher à découvrir Bluewater. Mais non, ce n’était pas le pauvre Bunting, il avait été tué.

— C’était sir Wycherly Wychecombe, qui épousa ensuite Mildred Bluewater, nièce de Dick, qui monta sur les barres de perroquet, dit sir Wycherly lui-même, qui prenait à ce récit autant d’intérêt que l’amiral commençait à en montrer ; et il vint vous faire rapport de l’arrivée du Pluton.

— Oui, c’est cela. Que Dieu le protège ! C’était un jeune homme plein d’intelligence, et il épousa la nièce de Dick. Dieu veille sur l’un et sur l’autre ! Eh bien, Monsieur, vous êtes étranger à tout cela, mais l’histoire vous intéressera. Nous étions presque étouffés par la fumée, ayant un vaisseau à deux ponts qui nous travaillait par notre