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orné d’une ancre et d’autres emblèmes nautiques. Même de cette distance on pouvait lire les mots « richard bluewater, contre-amiral de l’escadre blanche. » Mais le baronnet s’était arrêté tout à coup en voyant trois personnes entrer dans la chapelle où il désirait être seul avec sa famille. C’était un vieillard marchant d’un pas chancelant, d’autant plus qu’il s’appuyait sur le bras d’un domestique presque aussi âgé que lui, et un homme de moyen âge, ayant une grande taille et un air imposant, qui réglait patiemment sa marche sur celle des deux autres qu’il suivait. Deux ou trois hommes, au service de l’abbaye, accompagnaient ce groupe à quelque distance avec un air de respect et de curiosité, mais il leur avait été enjoint de ne pas entrer dans la chapelle.

— Ce doit être quelques vieux officiers de marine, compagnons de mon pauvre oncle, dit lady Wychecombe, qui sont venus rendre visite à son tombeau. — Voyez ! ce vénérable vieillard porte encore le costume de marin.

— L’avez-vous, — pouvez-vous l’avoir — oublié, ma chère ? demanda sir Wycherly. C’est sir Gervais Oakes, l’orgueil de l’Angleterre. Il y a vingt-cinq ans que je ne l’ai vu, mais je l’ai reconnu du premier coup d’œil. Le domestique est le vieux Galleygo, son maître d’hôtel ; mais, quant au troisième, il m’est inconnu. Avançons. Nous ne pouvons être des intrus dans un tel endroit.

Sir Gervais ne fit aucune attention à l’arrivée de la famille Wychecombe. Il était évident, au manque d’expression de sa physionomie, que le temps et les fatigues du service avaient nui à ses facultés intellectuelles, quoique son physique ne s’en ressentît en rien, chose extraordinaire dans un homme de son âge et de sa profession. Il avait pourtant des lueurs de mémoire, et ses yeux brillaient d’une forte sensibilité, suivant les idées qui se présentaient tout à coup à son esprit. Une fois par an, le jour de l’anniversaire de l’enterrement de son ami, il venait rendre une visite à cette chapelle et on l’y avait conduit en ce moment, autant par habitude que sur son propre désir. On lui avait donné une chaise, et il était assis en face du monument, et ayant l’inscription en grosses lettres devant les yeux. Cependant il ne les regardait pas, mais il rendit avec politesse le salut que lui firent les étrangers. Son vieux domestique parut surpris, sinon mécontent, de voir des inconnus saluer ainsi son maître ; mais quand sir Wycherly lui eut dit qu’il était parent de l’homme en l’honneur duquel ce monument avait été élevé, il le salua avec un air de respect, et se retira derrière sir Gervais pour faire place aux dames.

— Voilà ce que vous voulez voir sir Gervais, dit Galleygo, se-