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surpassa, dit-on, tout ce qu’on avait vu dans ce siècle. C’était alors une opinion générale en Angleterre, opinion que partageait toute l’Europe, et qui a même encore des partisans de notre temps, que tous les animaux du nouveau continent, sans en excepter l’homme, avaient au physique moins de courage et de force que ceux de l’ancien ; et la surprise des ignorants se mêla aux pressentiments fâcheux des hommes instruits et intelligents, quand on sut qu’un corps de colons mal armés avait osé livrer un combat sanglant à deux fois leur nombre de troupes régulières, et avait remporté la victoire, quoique sous les canons et les batteries de vaisseaux de la marine royale. On ne parlait pas d’autre chose dans Londres, et la crainte de l’avenir remplissait de sombres idées le monde politique.

Dans la matinée du jour qui suivit l’arrivée de cette nouvelle, les portes de l’abbaye de Westminster étaient ouvertes aux curieux, suivant l’usage. Différentes compagnies étaient éparses dans les ailes et dans les chapelles de l’église. Ici on lisait les inscriptions gravées sur les tablettes de marbre qui couvraient les tombes de ces hommes qui s’illustrent en illustrant leur pays ; là on déchiffrait les noms de princes qui devaient leur importance, soit aux trônes qu’ils avaient occupés, soit aux alliances qu’ils avaient contractées ; ailleurs on admirait les monuments splendides élevés, soit pour faire connaître des noms généralement ignorés, soit pour perpétuer la mémoire de héros et d’hommes d’état justement célèbres. La beauté du temps avait amené une compagnie plus nombreuse que de coutume, et six équipages au moins attendaient leurs maîtres dans Palace-Yard. Parmi ce nombre, il s’en trouvait un dont les portières étaient décorées d’une couronne ducale, et il ne manquait pas d’attirer cette attention qu’on accorde au rang en Angleterre plus que partout ailleurs. Bien des piétons, voyant cet équipage vide, aussi bien que tous les autres, se félicitèrent en entrant dans ce vénérable édifice de ce qu’ils allaient avoir la vue d’un duc ou d’une duchesse, indépendamment de toutes les belles choses qu’ils venaient voir, sans avoir rien à payer de plus pour ce spectacle additionnel.

Tous ceux qui arrivaient à pied ne sentirent pourtant pas l’influence d’un sentiment si vulgaire ; car un groupe de cinq personnes entra dans l’abbaye sans avoir jeté un seul regard sur ce rassemblement de voitures, les plus âgées étant trop habituées à de pareils spectacles pour y donner une pensée, et les plus jeunes étant trop occupées de ce qu’elles allaient voir pour penser à aucune autre chose. Ce groupe se composait de cinq personnes : un bel homme d’une cinquantaine d’années ; une dame, plus jeune de trois ou quatre, parfaitement bien conservée, et encore très attrayante ; un jeune homme