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nique que bien peu de familles plus heureuses que celle de Wycherly Wychecombe, qui conservait son affection mâle et protectrice pour tout ce qui dépendait de lui, tandis que sa femme, devenue matrone, et aussi belle alors qu’elle avait été attrayante dans sa jeunesse, lui était attachée avec la tendresse d’une femme, et la ténacité de la vigne appuyée sur le chêne.

Il est inutile de s’étendre sur le résultat de l’insurrection en Écosse. Tout le monde connaît l’histoire des succès que le Chevalier obtint pendant la première année qui suivit son débarquement en ce pays, et de l’échec qui donna le coup de mort à Culloden à toutes les espérances de sa famille. Sir Reginald Wychecombe, comme des centaines d’autres, joua son rôle assez adroitement pour éviter de se compromettre et vécut et mourut suspect de prédilection pour les Stuarts, mais en échappant aux confiscations et aux proscriptions. Il entretint jusqu’à sa mort des relations amicales avec sir Wycherly ; comme chef de sa maison, se chargeant même de surveiller ses intérêts dans son domaine pendant son absence, et montrant jusqu’au dernier moment une probité scrupuleuse en affaires pécuniaires, mêlée à un esprit, d’intrigue et de manœuvres en tout ce qui concernait la politique et la succession à la couronne. Sir Reginald vécut assez longtemps pour voir les espérances des jacobites complétement détruites, et le trône de son pays occupé par un prince né en Angleterre.

Il faut maintenant que le lecteur se figure que bien des années se sont écoulées depuis les derniers événements que nous venons de rapporter. Le temps avait marché de son pas ordinaire et infatigable, et la plus grande partie d’une génération avait été rejoindre ses pères. Trois lustres s’étaient passés depuis que George II était sur le trône ; la plupart de ceux qui avaient été les acteurs les plus importants dans le soulèvement de 1745 étaient morts, et l’oubli couvrait déjà les noms du plus grand nombre d’entre eux ; mais chaque siècle a ses événements et ses changements. Ces colonies américaines, dont l’esprit, en 1745, était si loyal et si dévoué à la maison de Hanovre, dans la croyance que la liberté politique et religieuse dépendait de son maintien sur le trône, s’étaient révoltées contre la suprématie du parlement britannique. L’Amérique avait déjà pris les armes contre la mère-patrie, et la veille du jour où se passa la petite scène qu’il nous reste à rapporter, on avait reçu à Londres la nouvelle de la bataille de Bunker-Hill. Quoique la gazette et l’orgueil national eussent cherché à diminuer l’importance de ce combat remarquable, en exagérant le nombre des colons qui y avaient pris part et en diminuant la perte essuyée par les troupes royales, l’impression produite par cette défaite