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étranger qui aurait vu cette ligne mélancolique doubler le Start, aurait cru que c’était une escadre battue qui rentrait dans le port. Le seul signe de triomphe qu’on pût voir était le pavillon anglais qui flottait au-dessus du pavillon blanc sur chacune des prises ; et quand tous les bâtiments eurent jeté l’ancre, le même air de tristesse régnait parmi ces marins victorieux. Le cercueil fut débarqué avec toutes les formes d’usage ; mais le cortège de guerriers qui le suivait se distinguait par une gravité qui n’avait pas l’aspect ordinaire d’une vaine cérémonie. Plusieurs des capitaines, et particulièrement Greenly, avaient vu avec surprise les manœuvres de Bluewater, et le dernier n’avait pas même été tout à fait sans mécontentement. Mais la conduite subséquente du contre-amiral avait complètement effacé ces impressions, et n’avait laissé que le souvenir de son brillant courage, et de l’ordre admirable dans lequel il avait amené ses vaisseaux, ce qui avait changé la fortune d’un combat presque désespéré. Ceux qui réfléchirent plus longtemps sur ce sujet, attribuèrent la singularité de la conduite du contre-amiral à des ordres privés, donnés par signaux télégraphiques, comme nous en avons fait mention.

Il est inutile de décrire les mouvements particuliers de l’escadre après son arrivée à Plymouth. Les vaisseaux furent radoubés, les prises incorporées dans la marine anglaise et, en temps convenable, tous se remirent en mer, en état, et désirant de rencontrer de nouveau l’ennemi. Ils suivirent la carrière ordinaire des croiseurs anglais de ce siècle. Mais comme les vaisseaux sont dans cette histoire nos principaux personnages, ce ne sera peut-être pas un hors-d’œuvre de jeter un coup d’œil sur leur fortune respective et celle de leurs capitaines. Sir Gervais usa complétement le Plantagenet, qui fut vendu pour être dépecé trois ans plus tard, après avoir porté pendant plus de deux ans un pavillon bleu à son grand mât ; et le capitaine Greenly, après avoir été élevé au grade de contre-amiral de l’escadre rouge, mourut de la fièvre jaune dans l’île de la Barbade. Le César, qui était encore alors commandé par Stowel, coula à fond pendant une croisière d’hiver dans la Baltique ; et périt corps et biens, désastre par suite duquel le capitaine fut débarrassé pour toujours de sa femme. Le Foudroyant prit part à un grand nombre de combats, et Foley, son capitaine, mourut trente ans après, contre-amiral d’Angleterre, et vice-amiral de l’escadre rouge. Parker resta capitaine du Carnatique jusqu’au moment où il obtint le droit de hisser un pavillon bleu à son mât d’artimon ; mais ce pavillon n’y resta hissé qu’un seul jour et uniquement pour la forme, après quoi le contre-amiral et le vaisseau furent mis à la retraite, comme trop