Sir Gervais enfonça son visage dans les couvertures du lit et poussa un profond gémissement.
— Embrassez-moi, Gervais, murmura le contre-amiral.
Le commandant en chef se releva, se courba sur le corps de son ami et l’embrassa sur les deux joues. Un sourire de satisfaction brilla sur le visage du mourant, et il cessa de respirer. Il se passa pourtant près d’une demi-minute avant qu’il rendît ce dernier soupir qui annonce la fin de la carrière humaine. Sir Gervais passa le reste de la nuit à se promener seul dans la chambre du défunt, se rappelant toutes les scènes de péril et de plaisir, de fatigue et de victoire, qu’il avait partagées avec l’ami qu’il venait de perdre. Enfin quand le soleil fut levé, il appela du monde et se retira dans sa tente.
CHAPITRE XXXI.
l ne nous reste qu’à tracer une esquisse rapide du sort de nos
principaux personnages et du petit nombre d’incidents qui ont un
rapport direct aux événements que nous venons de décrire. La mort
de Bluewater fut annoncée à toute l’escadre au lever du soleil en
amenant son pavillon du mât d’artimon du César. Celui du vice-amiral
fut amené en même temps ; mais il reparut la minute d’après au mât
de misaine du Plantagenet, tandis que le petit symbole bleu du rang
du défunt ne fut jamais plus hissé en son honneur. On l’étendit à
midi sur son cercueil, qui fut placé, comme il l’avait désiré, dans la
batterie basse du César, et plus d’une fois pendant cette journée,
quelque vieux marin s’en servit pour essuyer une larme qui tombait
de ses yeux.
Dans l’après-midi du jour qui suivit la mort d’un de nos héros, le vent passa l’ouest et tous les vaisseaux levèrent l’ancre et firent route vers Plymouth. Ceux qui avaient souffert les plus graves avaries étaient alors en état de porter plus ou moins de voiles, et un