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trouva dans la chambre du contre-amiral Magrath, qui était resté à terre pour lui-donner des soins. Mildred resta près d’une demi-heure baignant de ses larmes, l’oreiller de son oncle, et elle ne le quitta qu’à la suggestion du chirurgien.

— Voyez-vous, sir Gervais, dit celui-ci à voix basse au vice-amiral, il est du devoir de la faculté de prolonger la vie du malade, même quand il ne reste aucune espérance de la lui sauver. Et ce serait un triomphe honorable pour nous autres Plantagenets si nous pouvions faire passer la nuit au contre-amiral, car le chirurgien du César a déclaré qu’il était impossible qu’il survécût une heure au coucher du soleil. Mais si vous faites cas du jugement d’un homme de la profession, vous engagerez lady Wychecombe à se retirer.

En ce moment de séparation définitive, Bluewater avait peu de chose à dire à sa nièce ; il l’embrassa et lui donna sa bénédiction de nouveau, et fit signe qu’on l’emmenât. Il fit aussi attention à mistress Dutton, et la pria de rester un moment, quand Mildred et sir Wycherly quittèrent la chambre.

— C’est à vos soins et à votre affection, ma bonne dame, lui dit-il d’une voix si faible qu’à peine pouvait-on l’entendre, que nous sommes redevables de voir Mildred en état de faire honneur à sa situation dans le monde. Il aurait été plus fâcheux de la retrouver que de l’avoir perdue, si elle nous avait été rendue sans éducation, et avec des manières communes et grossières.

— Cela n’aurait pu arriver à Mildred dans aucune circonstance, Monsieur, répondit mistress Dutton en pleurant. — La nature avait trop fait pour cette chère enfant pour qu’elle ne fût pas aimable et bien accueillie dans toute situation où elle se serait trouvée.

— Elle n’aurait pu être tout ce qu’elle est aujourd’hui et je remercie Dieu de lui avoir assuré une telle protectrice à l’instant de sa naissance. Vous avez été tout pour elle dans son enfance, et elle cherchera à vous en prouver sa reconnaissance dans votre vieillesse.

Mistress Dutton en était trop certaine pour avoir besoin de cette assurance. Après avoir reçu la bénédiction du mourant, elle se mit à genoux près de son lit, pria pendant quelques minutes avec ferveur, et se retira. Pendant la nuit suivante il n’y eut aucun changement remarquable dans la situation du contre-amiral, et plus d’une fois Magrath exprima à voix basse et avec un air de satisfaction l’espoir que le malade verrait encore le soleil se lever. Cependant une heure avant le lever de l’aurore, le blessé parut rallier ses forces de manière à donner des inquiétudes au chirurgien-major. Il savait qu’un changement physique de cette nature ne pouvait arriver que par suite de