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apprendrez quelle douce consolation on peut trouver dans le souvenir d’une telle action. Nous avons tous besoin de merci, et personne ne peut espérer d’en obtenir, s’il n’en a pas pour les autres.

Le jeune homme sentit qu’il avait eu tort, et ses sentiments prirent une direction meilleure, quoique à peine plus naturelle. Bluewater lui parla alors de sa cousine Mildred, en faveur de laquelle il trouva un plaisir mélancolique à faire naître de l’intérêt dans son cœur noble et ingénu. Le midshipman l’écouta avec une attention respectueuse, comme c’était sa coutume ; et se laissant tromper par l’air tranquille et serein du contre-amiral, il se fit illusion lui-même, en se flattant que la blessure qu’il avait reçue était moins dangereuse qu’on ne le supposait, et il espéra qu’il pouvait en guérir. Calmé par cette idée, ses pleurs tarirent bientôt, et ayant promis la plus grande tranquillité, il obtint de sir Gervais la permission de rester dans la chambre, où il s’occupa remplir toutes les fonctions d’une garde-malade attentive.

Une autre pause suivit cette petite scène, et Bluewater resta tranquillement occupé de ses propres idées, et les dirigeant sans doute vers Dieu. Pendant ce temps, sir Gervais lisait des rapports, et écrivait des ordres ; mais ses yeux n’étaient jamais plus d’une minute ou deux sans se tourner vers son ami. Enfin le contre-amiral sortit de son état d’abstraction, et fit de nouveau attention aux personnes et aux choses qui l’entouraient.

— Galleygo, mon ancien camarade de croisière, dit-il, je recommande plus particulièrement que jamais sir Gervais à vos soins. À mesure que nous avançons dans la vie, le nombre de nos amis diminue ; et cependant nous ne pouvons compter que sur ceux qui ont été mis à l’épreuve.

— Oui, amiral Bleu, je sais cela, et sir Gervais le sait aussi. — Oui, les vieux camarades avant les nouveaux tous les jours de la vie, et les vieux marins avant les blancs-becs. Les Bowlderos de sir Gervais sont très-bons pour donner des assiettes et faire d’autres choses semblables ; mais dans un mauvais temps, et par un coup de vent, je les compte pour peu de chose mis tous ensemble.

— À propos, Oakes, dit Bluewater, prenant tout à coup à ce sujet un intérêt qu’il n’aurait plus cru pouvoir éprouver, je n’ai appris aucun détail sur votre affaire de la première journée. D’après le peu que j’en ai entendu dire autour de moi, il paraît pourtant que vous avez pris un vaisseau à deux ponts, et démâté le vaisseau amiral français ?

— Pardon, Dick, mais vous ferez mieux de chercher à prendre un peu de repos. Le souvenir de ce qui s’est passé pendant ces deux journées m’est infiniment pénible.