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qui en était résulté sur ses sentiments, avait été proportionné au plaisir qu’il en avait ressenti. Il est vrai qu’il ne pouvait s’empêcher de se rappeler l’époque où il avait été lieutenant à bord du même vaisseau sur lequel Bluewater n’était encore que midshipman ; mais, en ce moment, il ne songeait plus à cette circonstance avec l’amertume qu’elle lui avait causée quelquefois, et ce n’était à ses yeux que le point de reconnaissance le plus éloigné des nombreux services qu’ils avaient rendus ensemble.

— Eh bien, Stowel ! dit Bluewater avec un sourire un peu triste, en prenant congé de la vie, il faut aussi prendre congé du vieux César. Il est rare que le capitaine d’un vaisseau amiral n’ait pas eu quelquefois à se plaindre de son chef, et si cela vous est arrivé, je vous prie bien sincèrement de me le pardonner et de l’oublier.

— Dieu me protège, amiral, j’étais bien loin de songer à pareille chose. Je pensais combien il aurait été invraisemblable, quand nous servions ensemble à bord de la Calypso, de m’imaginer que je me trouverais un jour, en pareille circonstance, au pied de votre lit. Réellement, amiral Bluewater, je voudrais pouvoir vous donner la moitié du peu de temps qu’il me reste à vivre.

— Je vous crois, Stowel, mais c’est une chose impossible. J’ai fait la dernière manœuvre de ma vie, en donnant ma nièce en mariage au lieutenant sir Wycherly Wychecombe.

— Oui, amiral, oui ; le mariage est sans doute honorable, comme je le dis souvent à mistress Stowel, et par conséquent il ne convient pas de le décrier. Il est pourtant assez singulier qu’un homme qui a passé toute sa vie dans le célibat, veuille, à la fin de sa croisière, en voir célébrer un, et débourse pour cela une somme de cent livres sterling. Quoi qu’il en soit, les hommes ne se ressemblent pas plus, à cet égard, que les femmes dans leurs qualités, domestiques. Je désire sincèrement que ce jeune Wycherly soit aussi heureux dans la vieille maison qu’il possède là-bas un peu plus avant dans les terres, que nous l’avons été ensemble, vous et moi, à bord du vieux César. — Je suppose qu’il n’y aura pas de coégaux à Wychecombe-Hall.

— Je l’espère, Stowel. Mais à présent il faut que je vous donne mes derniers ordres relativement au César, et…

— Le pavillon du commandant en chef flotte sur notre bord, amiral, dit le méthodique capitaine, l’interrompant du ton d’un homme qui veut rappeler à un autre quelque chose qu’il craint qu’il n’oublie.

— Ne vous en inquiétez pas, Stowel ; je vous réponds qu’il y consentira. — Je désire que mon corps soit reçu à bord du César, et