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— Cette dernière affaire vous vaudra le titre de vicomte Bowldero, dit tout à coup le blessé, prouvant ainsi que ses pensées s’occupaient encore des intérêts de son ami, et je ne vois pas pourquoi vous refuseriez encore une fois une pairie. Ceux qui restent dans ce monde peuvent bien céder à ses usages et à ses opinions, pourvu que ce soit sans contrevenir à des obligations d’un ordre plus élevé.

— Moi ! s’écria sir Gervais d’un air sombre ; la pensée d’une telle commémoration d’une victoire qui me coûte si cher, serait pour moi pire qu’une défaite. Non je n’ai pas besoin d’un changement de nom pour me rappeler constamment ma perte.

Bluewater parut plus reconnaissant que satisfait, mais il ne répondit rien ; il tomba peu après dans un léger sommeil, dont il ne s’éveilla qu’au moment qu’il avait fixé lui-même pour le mariage de Wycherly et de Mildred. Avec un oncle mort et non encore enterré, et un autre prêt à quitter ce monde pour toujours, le moment pouvait paraître mal choisi pour une cérémonie qu’on regarde ordinairement comme aussi joyeuse que solennelle ; mais le mourant avait fortement insisté pour qu’on lui accordât la consolation de savoir avant d’expirer qu’il laissait sa nièce sous la protection légale d’un homme qui était en état d’être son protecteur et qui le devrait. Le lecteur peut se figurer tous les arguments pour et contre qui furent employés en cette occasion ; mais tout le monde finit par reconnaître qu’il convenait de faire céder les préjugés ordinaires à l’exigence du moment. Il peut être à propos d’ajouter aussi, pour prévenir des critiques inutiles et injustes, que les lois anglaises sur les formes de la célébration du mariage n’étaient pas aussi rigides en 1745 qu’elles le devinrent par la suite ; qu’on pouvait alors faire la cérémonie dans une maison particulière, et même se dispenser de la publication des bans, formalité qui ne fut prescrite que quelques années après. Un mariage qui n’avait pas été précédé de publication de bans n’en était pas moins valable, mais le ministre qui l’avait célébré pouvait être condamné à une amende de cent livres. Bluewater paya d’avance cette amende plutôt que de ne pas voir accompli le seul désir qui lui restât sur la terre. Quoique cette amende n’empêchât pas le mariage d’être valide, ce ne fut pas sans difficulté qu’on obtint le consentement de mistress Dutton à la célébration du mariage sans que toutes les formalités d’usage eussent été scrupuleusement observées. On n’y réussit qu’à force d’arguments adressés à la raison de cette dame respectable, et surtout en insistant sur la nécessité urgente. Elle y mit pourtant une condition, et c’était qu’on obtiendrait, postérieurement au mariage, une dispense de bans, et qu’il serait célébré une seconde