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et les suivit dans leur appartement. Là, il dit à l’oreille de la jeune fille quelques mots qui firent qu’au milieu de son agitation elle lui jeta un regard qui respirait la satisfaction et le bonheur, quoique ses yeux fussent mouillés de larmes, et ce fut alors le tour de Wycherly de la presser un instant sur son cœur.

— Ma chère mistress Dutton, ma mère, dit-il, car je suis orphelin comme Mildred, et, comme elle, j’ai besoin d’une mère, ni elle ni moi nous ne pourrons jamais consentir à nous séparer de vous. Regardez-vous donc, je vous prie, comme ne devant faire à l’avenir qu’une seule famille avec nous, car Mildred et moi nous ne pourrons jamais vous considérer autrement que comme une mère ayant droit à un respect, une affection et une reconnaissance sans bornes.

Wycherly avait à peine prononcé ces mots, qu’il s’en trouva payé au décuple, comme il le pensa. Mildred, dans un élan de sensibilité naturelle, sans affectation comme sans réserve, mais cédant à l’impulsion seule de son cœur, lui jeta ses bras autour du cou, murmura plusieurs fois le mot : — Merci ! merci ! — et pleura, sans se contraindre, la tête appuyée sur sa poitrine. Quand elle le quitta pour se jeter dans les bras de celle qu’elle aimait comme sa mère, Wycherly embrassa mistress Dutton, qui se retira ensuite avec Mildred.

Mais l’amiral Bluewater ne voulut pas songer à prendre quelque repos avant d’avoir eu une conférence particulière avec son ami et Wycherly. Il savait qu’il ne lui restait plus que très-peu de temps à vivre, et il dit qu’il mourrait heureux s’il laissait sa nièce sous la protection d’un homme tel que notre jeune Virginien. Sir Gervais parla de la nécessité d’un acte, pour assurer à Mildred les avantages matrimoniaux d’usage, et Wycherly montra à cet égard les sentiments les plus libéraux. Mais Bluewater ne voulut consentir à aucun délai ; les lois anglaises permettant au mari de faire ces avantages postérieurement au mariage, il dit qu’il s’en rapportait entièrement à L’honneur de sir Wycherly ; il insista péremptoirement pour que le mariage se fit en sa présence, et sur-le-champ. Il est inutile de dire que Wycherly ne fit aucune objection à cet arrangement, et il quitta les deux amiraux pour aller faire part à mistress Dutton et à Mildred des désirs positifs de Bluewater.

— Il est singulier, Dick, dit sir Gervais s’essuyant les yeux en regardant par une fenêtre qui donnait sur la mer ; il est singulier que j’aie laissé nos deux pavillons flotter sur le César, et ce n’est qu’en ce moment que je suis frappé de cette étrange circonstance.

— Laissez-les encore un peu flotter ensemble, Gervais. Ils ont surmonté bien des ouragans et vu livrer bien des combats à côté l’un