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plement qu’elle était morte subitement dans une petite ville où elle était allée prendre les eaux pour sa santé, avec une dame de ses amies. M. Hedworth, leur oncle, avait-il quelque soupçon du mariage de sa nièce, c’est ce qui est incertain ; mais, rien n’est moins vraisemblable, car elle l’avait mortellement offensé, quelques mois avant sa mort, en refusant un mariage aussi avantageux sous tous les rapports que celui de sa sœur aînée, si ce n’est pourtant que celle-ci avait épousé un homme qu’elle aimait, et qu’il exigeait d’Agnès le sacrifice de son inclination. Cette affaire sema la zizanie entre l’oncle et la nièce, et il en résulta qu’ils n’eurent presque plus de communications ensemble. Elle passait son temps dans la retraite ou avec quelques amis que son oncle ne connaissait pas et dont il se souciait fort peu. En un mot, ils vivaient tous deux d’une manière si différente, que rien n’était plus facile à la nièce que de cacher à son oncle la situation dans laquelle elle se trouvait. Son motif pour lui en faire un secret était la fortune de l’enfant qu’elle attendait, car il était au pouvoir de son oncle de la priver par testament, s’il le jugeait à propos, d’un certain domaine de famille qui devait après lui appartenir aux deux sœurs comme ses cohéritières, ou à leurs enfants. Quel aurait été le résultat de ce mystère, ou qu’avait dessein de faire la pauvre Agnès ? c’est un secret sur lequel la mort a apposé son sceau éternel.

Mistress Dutton était mère d’une fille qui n’avait que trois mois, quand elle se trouva chargée sans y penser de cette petite étrangère. Quelques semaines après, sa fille mourut, et ayant attendu inutilement plusieurs mois des nouvelles de la famille Hedworth, elle fit baptiser le second enfant sous le même nom qu’avait porté sa fille, et elle finit par l’aimer peut-être autant que si elle lui eût donné le jour. Trois ans se passèrent ainsi, et le temps approchait où son mari devait revenir de sa station aux Indes orientales. Pour être prête à le recevoir, elle changea de domicile, se logea dans un port de mer, et changea aussi de domestiques. Toutes ces circonstances la laissèrent, heureusement, comme elle le pensa ensuite, complètement maîtresse du secret de la naissance de Mildred, les deux ou trois autres personnes qui en étaient instruites étant alors trop éloignées pour rendre vraisemblable qu’elles songeassent jamais à en parler, à moins qu’on ne les questionnât à ce sujet. Sa première intention était pourtant de ne rien cacher à son mari de ce qui s’était passé chez lui pendant son absence. Mais elle renonça à ce dessein quand il fut de retour. Le trouvant entièrement changé, abruti par l’habitude de s’enivrer, ne lui montrant plus qu’indifférence et froideur, et brutal dans toutes