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plaisir avec lequel Wycherly et Bluewater entendirent la déclaration de mistress Dutton. Un grand cri échappa à Mildred ; elle se jeta au cou de celle qu’elle avait toujours crue sa mère, et la serra étroitement dans ses bras comme si elle n’eût pas voulu que le nœud qui les avait attachées si longtemps ensemble fût rompu si brusquement. Une demi-heure passée à pleurer et à recevoir les plus tendres consolations, calma un peu la pauvre fille, et elle fut en état d’écouter les explications. Elles étaient infiniment simples, et si claires qu’en y joignant les preuves données par le capitaine Greenly, elles mettaient les faits hors de doute.

C’était quand elle demeurait dans la maison de son patron, que mistress Dutton avait connu Agnès Hedworth, une couple d’années après son mariage avec le lieutenant Dutton et tandis qu’il était en mer. Agnès Hedworth vint se placer sous la protection de mistress Dutton, et lui demander un asile pour une femme qui se trouvait dans les circonstances les plus pénibles. Comme tous ceux qui connaissaient Agnès Hedworth, mistress Dutton l’aimait et la respectait, mais la distance qu’établissait entre elles la différence de leur naissance et de leur situation dans le monde, mettait un obstacle à toute confidence. Pendant le peu de jours qu’elle passa chez son humble amie, Agnès Hedworth s’était conduite avec la dignité tranquille d’une femme qui n’avait rien à se reprocher, et l’on ne pouvait lui faire aucune question qui impliquât un doute. Une suite d’évanouissements empêcha à l’heure de la mort toutes les communications que le cas exigeait, et mistress Dutton se trouva tout à coup avec un enfant sur les bras et le corps de son amie dans sa maison. Agnès Hedworth était arrivée chez elle sans être accompagnée de personne et sous un nom emprunté. Toutes ces circonstances donnèrent des craintes à mistress Dutton, et sa délicatesse la porta à prendre toutes les précautions nécessaires pour ne pas risquer de compromettre la réputation de son amie. Elle fit transporter son corps à Londres, et écrivit à l’oncle pour l’informer du lieu où elle l’avait fait déposer. Elle lui envoya aussi son adresse dans le cas où il voudrait s’informer des circonstances de la mort de sa nièce. Elle apprit que le corps avait été enterré à la manière ordinaire, mais jamais on ne lui demanda aucun détail sur les circonstances de cette mort. La jeune duchesse, sœur de miss Hedworth, voyageait alors en Italie, et elle n’en revint que plus d’un an après. Nous pouvons même ajouter, quoique mistress Dutton ne le sût pas alors, et que par conséquent elle ne put en parler, que, lorsqu’elle fit à son oncle des questions sur le destin d’une sœur qu’elle avait tendrement aimée, il lui avait répondu tout sim-