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sombre silence. Il connaissait si bien les manières de Magrath, qu’il perdit le faible espoir qui l’avait engagé à lui demander son opinion, et fut convaincu qu’il allait perdre son ami. Il eut besoin de toute sa force d’âme pour supporter un tel coup, car, ayant vécu dans le célibat, n’ayant pas d’enfants, et accoutumé à vivre ensemble presque depuis leur enfance, ces deux vétérans en étaient venus à se regarder comme formant deux parties distinctes d’un même être. Magrath fut plus touché qu’il ne voulut l’exprimer. Il se moucha plusieurs fois d’une manière qu’un observateur aurait trouvée suspecte.

— Voulez-vous me faire le plaisir, docteur Magrath, dit sir Gervais d’un ton doux et calme, de prier le capitaine Greenly de passer ici aussitôt qu’il le pourra ?

— Très-volontiers, sir Gervais, et je suis sûr que vous ne l’attendrez pas longtemps.

Le capitaine du Plantagenet ne tarda pas à paraître et, comme tous ceux au milieu desquels il vivait, il n’avait pas la physionomie animée par la joie de la victoire.

— Je suppose que Magrath vous a tout dit ? dit le vice-amiral en lui serrant la main.

— Oui, sir Gervais et je regrette sincèrement d’avoir à dire qu’il ne donne aucune espérance.

— Je le savais, Greenly, je le savais. Et cependant Bluewater ne souffre plus, et il paraît même calme et tranquille. J’aimais à me flatter que cette cessation de souffrance pouvait être un augure favorable.

— Quoi qu’il en soit, sir Gervais, j’en suis charmé ; car je pense qu’il est de mon devoir de parler au contre-amiral du mariage de son frère. D’après le silence qu’il a toujours gardé, sur ce sujet, il est possible, — il est même probable, d’après toutes les circonstances qu’il n’en a jamais été informé, et il peut se faire qu’il existe des raisons pour qu’il doive en être instruit. Puisqu’il est calme et tranquille, — voyez-vous quelque inconvénient à ce que je lui en parle ?

Greenly n’aurait pu faire aucune proposition capable de rendre un plus grand service à sir Gervais. La nécessité de prendre un parti décidé, d’avoir un objet en vue, d’agir en un mot, contribua à soulager son esprit, en dirigeant ses pensées dans une carrière plus active. Saisissant son chapeau, il fit signe à Greenly de le suivre, et traversa le plateau du promontoire, en prenant le sentier qui conduisait chez Dutton. Il était nécessaire qu’il passât près du mât aux signaux. Les yeux des officiers qui y étaient rassemblés rencontrèrent ceux du vice-amiral, et ils exprimaient une compassion sincère et