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petits groupes près de leur poste. Ces signes étaient ceux qui annoncent ordinairement la présence d’officiers d’un rang supérieur, et ils pouvaient être regardés comme des preuves de l’état actuel des choses sur le promontoire et dans les environs.

Le contre-amiral Bluewater était dans la maison de Dutton, et sir Gervais Oakes occupait la tente. Le premier avait été transporté, à sa propre demande, dans cet endroit, où il voulait rendre le dernier soupir. Les deux pavillons flottaient encore au haut des mâts du César, espèce de souvenir mélancolique des nœuds de l’amitié qui avait uni les deux amiraux pendant tout le cours d’une vie passée dans la même profession.

Des femmes ayant reçu l’éducation de mistress Dutton et de sa fille ne pouvaient avoir habité si longtemps ce promontoire sans y laisser quelques traces de leur goût. Nous avons déjà parlé de la maison dont le petit jardin était en ce moment orné de belles fleurs, et entretenu avec un ordre et un soin qu’on ne se serait pas attendu à trouver dans un pareil endroit ; et même les sentiers qui coupaient en différents sens cette grande plate-forme couverte de verdure avaient été tracés de manière à prouver qu’un œil ami du pittoresque y avait présidé. Un de ces sentiers conduisait à un petit pavillon d’été, construit, comme les clôtures dont nous avons parlé, avec des planches et autres bois, débris de naufrages, et placé sur une plate-forme du rocher à une élévation effrayante, mais où l’on pouvait être en toute sécurité. Bien loin qu’il y eût quelque danger à se rendre dans ce pavillon Wycherly, pendant les six mois qu’il avait passés dans ces environs, avait pratiqué un autre sentier qui conduisait encore plus bas à une petite plate-forme complètement cachée aux yeux qui auraient pu se trouver plus haut, et sur laquelle il avait établi un banc rustique qui offrait une telle sûreté que Mildred et sa mère allaient souvent s’y asseoir ensemble. Pendant l’absence récente de Wycherly, la pauvre fille y avait passé une bonne partie de son temps à pleurer dans la solitude. Dutton ne s’était jamais hasardé à y descendre, car quoique le sentier fût protégé par des cordes pour y appuyer la main, il était assez escarpé pour exiger une tête et des jambes plus sûres que son intempérance ne lui en avait laissé. Une ou deux fois, Wycherly avait obtenu de Mildred de venir passer une heure tête à tête avec lui dans ce lieu romantique, et quelques-uns des plus agréables souvenirs de cette jeune fille dont l’esprit était aussi juste et aussi intelligent que son cœur était pur, se rattachaient aux entretiens qu’ils y avaient eus ensemble. Wycherly était assis sur ce banc au moment où commence le présent chapitre. Le mou-