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— Non, grâce à Dieu, sir Gervais non, pas tout à fait cela. Mais il est dangereusement blessé, très-dangereusement.

Le vice-amiral poussa un profond gémissement, et pendant quelques instants il appuya sa tête sur les bastingages, cachant son visage à la vue des hommes. Se redressant ensuite, il dit d’un ton ferme :

— Hissez vos huniers, capitaine Stowel, et mettez en panne sur l’autre bord. — Je vais aller à votre bord.

Denham reçut ordre de mettre en panne bâbord amures, tandis que le César virait de bord vent arrière pour prendre la panne tribord amures. Cela était contraire à toutes les règles, car c’était augmenter la distance entre les deux bâtiments ; mais le vice-amiral était impatient d’être dans sa barge. Dix minutes après, il montait à bord du César, et deux minutes ensuite il était dans la grande chambre de Bluewater. Geoffrey Cleveland y était assis devant une table, la tête penchée sur ses mains. Le vice-amiral lui ayant touché l’épaule, le jeune homme leva la tête, et montra un visage mouillé de larmes.

— Comment va-t-il ? demanda sir Gervais d’une voix rauque ; le chirurgien donne-t-il quelque espoir ?

Le midshipman secoua la tête, et comme si cette question eût renouvelé son chagrin, il reprit sa première attitude. En ce moment le chirurgien-major du vaisseau sortit de la chambre dans laquelle le contre-amiral était couché, et suivant le commandant en chef dans la troisième, ils eurent ensemble une longue conférence.

Les minutes s’écoutèrent, et le César et la Chloé étaient toujours en panne. Au bout d’une demi-heure, Denham vira vent arrière, et mit le cap de sa frégate dans la direction convenable. Plusieurs vaisseaux arrivèrent, et continuèrent leur route au nord aussi vite que leurs avaries le permettaient, et cependant on ne vit bord du César aucun signe de mouvement. Deux bâtiments avaient paru au sud-est ; ils approchèrent aussi, et passèrent sans que le vice-amiral se montrât sur le pont. Ces deux navires étaient le Carnatique et sa prise, le Scipion, qu’il avait intercepté, et qu’il avait capturé sans beaucoup de difficulté. En gouvernant au sud-ouest, M. de Vervillin avait laissé le passage libre à ces deux vaisseaux qui voguaient avec le vent largue et ayant un bon sillage.

Cette nouvelle fut envoyée dans la grande chambre du César, mais personne n’en sortit et l’on n’en rapporta aucune réponse. Enfin, quand toute la flotte eut passé, la barge retourna à la Chloé. Elle n’y portait qu’un billet adressé à Wycherly. Dès qu’il en eut fait lecture, il appela les Bowlderos et Galleygo, les fit passer dans la barge avec tout le bagage du vice-amiral, emporta son pavillon, et fit ses adieux