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Le vice-amiral porta la main, comme par instinct, sur la poignée de son épée, et se tourna du côté indiqué par son compagnon. Il y vit effectivement un nouveau vaisseau qui fendait le nuage de fumée, et qui, d’après l’atmosphère plus pure qui l’accompagnait, semblait amener avec lui un courant d’air plus fort. À l’instant où il l’aperçut, son bâton de foc et son beaupré étaient encore enveloppés de fumée ; mais le rapprochement des deux bâtiments donnait à craindre que les vergues de ce vaisseau ne parassent bien juste celles du Plantagenet, à mesure qu’on apercevait dans l’obscurité causée par la fumée ses bossoirs friser le flanc du vaisseau amiral.

— Ce sera ma foi, une rude besogne, s’écria le vice-amiral. Une nouvelle bordée d’un bâtiment si rapproché de nous nous rasera comme un ponton. — Allez, Wychecombe, courez dire à Greenly de venir ici. — Attendez ! — C’est un vaisseau anglais. — Aucun vaisseau français n’a un beaupré comme celui-ci. — Que le Tout-Puissant soit loué c’est le César ! Je reconnais la figure du vaisseau ; je vois le vieux Romain sortir de la fumée.

Il accompagna ces mots d’un cri de joie, et il les avait prononcés si haut qu’ils furent entendus jusque dans la batterie basse, et ils se répandirent dans tout le vaisseau avec la rapidité du sifflement d’une fusée volante qui s’élève. Pour confirmer cette bonne nouvelle, la lumière et le bruit des canons de ce bâtiment du côté opposé à celui où l’on combattait, annoncèrent que le Pluton avait un ennemi à combattre, ce qui permettait à l’équipage du Plantagenet de jeter toutes ses forces dans les batteries à tribord, et de procéder à toutes ses opérations sans avoir rien à craindre du contre-amiral français. La reconnaissance de sir Gervais, lorsqu’il vit le vaisseau qui venait à son aide en se plaçant entre lui et son plus formidable ennemi, était trop profonde pour qu’il pût l’exprimer par des paroles. Par un mouvement purement machinal, il leva son chapeau devant son visage et remercia Dieu avec une ferveur qu’il n’avait jamais si complétement mise dans toutes ses actions de grâces. Ce court acte de dévotion terminé, il vit l’avant du César, qui marchait lentement pour ne pas aller trop loin, précisément par le travers du Plantagenet, et à si peu de distance, qu’on voyait les objets presque distinctement. Bluewater était debout entre ses apôtres, gouvernant son vaisseau par le moyen d’une ligne d’officiers, ayant en main son chapeau qu’il agitait pour encourager son équipage, tandis que Geoffrey Cleveland était à son côté, tenant un porte-voix. En ce moment, les équipages des deux vaisseaux anglais poussèrent trois acclamations dont le bruit se mêla à celui d’une seconde décharge de l’artillerie du César. Alors la fumée