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un seul mât et une seule voile, précisément à l’endroit où Wycherly avait dit que l’ennemi devait se trouver. Il n’y avait nul doute que ce ne fût une petite hune, et l’on y voyait flotter le petit pavillon carré de contre-amiral. Sir Gervais vit à l’instant quel était ce vaisseau, et quel parti il devait prendre. S’avançant sur le bord de la dunette, sa voix naturelle, sans l’aide du porte-voix, fit entendre, au milieu du tumulte du combat, ces mots si familiers aux marins, mais de sinistre présage. Armez les deux bords ! Peut-être une voix partant de poumons moins vigoureux, — et celle du vice-amiral, quand il voulait lui donner toute son étendue était aussi forte que le son d’un clairon, — est-elle plus claire et fait-elle plus d’impression quand elle n’est aidée par aucun instrument, que lorsqu’elle passe à travers un tube qui la déguise et la dénature. Quoi qu’il en soit, ces mots se firent entendre même dans la batterie basse, par ceux qui étaient près des écoutilles, et ils furent répétés par une douzaine de voix, qui y ajoutèrent les avis que les officiers de marine ont coutume de donner quand le combat est sur le point de commencer : — Attention, camarades, sir Jarry ne dort pas ! — Pointez vos canons ! — Attendez qu’il soit par le travers ! — En ce moment critique, sir Gervais leva encore les yeux du même côté, et entrevit de nouveau le petit pavillon qui traversait une énorme colonne de fumée, et voyant que ce vaisseau se trouvait précisément par son travers, il cria, d’une voix dont il semblait vouloir doubler la force : Feu ! Greenly était sur l’échelle de la batterie basse, et sa tête était de niveau avec les hiloires du panneau lorsque ce mot frappa ses oreilles, et il le répéta presque avec la même force. Le nuage de fumée qui était à bâbord fut repoussé de tous les côtés, comme de la poussière dispersée par le vent. Le vaisseau parut en feu, et la charge de quarante et un canons remplit sa mission terrible, annoncée en quelque sorte par un seul et même éclair. Le vieux Plantagenet trembla jusqu’à sa quille, et s’inclina même un peu à la commotion du recul. Mais, comme s’il eut été tout à coup délivré d’un fardeau, il se redressa et continua sa route avec la même rapidité. Cette bordée, lâchée à propos, sauva le vaisseau amiral anglais. Elle prit par surprise l’équipage du Pluton, son nouvel adversaire, car les Français n’avaient pas encore pu distinguer la position précise de leur ennemi, et, indépendamment de ce qu’elle fit beaucoup de mal à ce vaisseau et à son équipage, elle l’engagea à faire feu dans un moment défavorable. Le Pluton lui envoya sa bordée avec tant de hâte et si peu de précision, qu’une grande partie de ses boulets passèrent en tête du Plantagenet, et