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mirent à démarrer les fanons et à faire tous les préparatifs nécessaires pour l’action. Pendant tout ce temps, sir Gervais continua à se promener sur ce qui aurait été le centre de cette chambre, si toutes les cloisons n’eussent été démontées, les matelots affairés évitant avec dextérité de le toucher, et portant invariablement une main à leur chapeau quand ils étaient obligés de passer près de lui, mais continuant leurs opérations comme s’il n’eût pas été présent. Sir Gervais serait resté absorbé dans ses réflexions encore plus longtemps qu’il ne le fut, si le bruit d’un coup de canon n’eût reporté ses idées sur la scène qui se passait autour de lui.

— Qu’est-ce que cela ? s’écria-t-il tout à coup ; Bluewater fait-il de nouveaux signaux ?

— Non, sir Gervais, répondit le quatrième lieutenant après avoir regardé par un sabord au vent, — c’est l’amiral français qui nous tire un coup de canon au vent, comme pour nous demander pourquoi nous ne l’attaquons pas. C’est la seconde fois qu’il nous fait aujourd’hui un compliment de cette espèce.

Il n’avait pas fini de prononcer ces mots, que le vice-amiral était déjà sur le gaillard d’arrière, et une minute après il était sur la dunette. Il y trouva Greenly, Wychecombe et Bunting, regardant tous trois avec intérêt la belle ligne de l’ennemi.

— M. de Vervillin est impatient de prendre sa revanche de l’échec qu’il a reçu hier, à en juger par l’invitation qu’il nous fait de l’attaquer, dit le capitaine.

— De par le ciel ! il a serré le vent et il porte le cap vers le nord-nord-est, s’écria sir Gervais, la surprise l’emportant un instant sur la circonspection. — Quoique cette manœuvre soit un peu extraordinaire en un pareil moment, on doit admirer le bel ordre dans lequel il tient ses vaisseaux.

Le commandant en chef ne disait que la vérité. La division du contre-amiral avait tout à coup serré le vent en ligne pressée, et chaque vaisseau suivait son matelot de l’avant aussi exactement que s’ils eussent tous reçu une impulsion commune. Comme personne ne doutait le moins du monde de la loyauté du contre-amiral, et qu’on savait que son courage était à toute épreuve, l’opinion générale était que cette manœuvre avait quelque rapport aux signaux secrets qu’il avait faits, et les jeunes officiers se demandaient en riant ce que sir Jarry allait faire.

Il paraît certain que M. de Vervillin craignait une répétition de quelques-unes des scènes de la veille ; car, dès qu’il s’aperçut que l’arrière-garde anglaise serrait le vent, les cinq vaisseaux de la tête