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veaux pavillons, mais en changeant les numéros des anciens, et en consultant un dictionnaire qui avait été préparé, les deux amis pouvaient avoir une conversation dont personne n’était en état de pénétrer le secret. Sir Gervais prit le numéro par écrit, et donna ordre à Bunting de faire hisser le signal d’attention, surmonté d’une flamme semblable ; de continuer cette opération tant que le contre-amiral ferait des signaux, et de lui en envoyer les numéros aussitôt qu’il les aurait aperçus. Dès que Bunting fut parti, le vice-amiral ouvrit un secrétaire, dont il portait toujours la clef sur lui, et y prit un petit livret qu’il mit à côté de son assiette. Pendant ce temps, le déjeuner continuait, des signaux de cette espèce ayant souvent lieu entre les deux amiraux. Dans le cours des dix minutes suivantes, un aide-timonnier apporta successivement différents numéros écrits sur de petits morceaux de papier : après quoi Bunting vint annoncer lui-même que le César ne faisait plus de signaux.

Sir Gervais chercha alors sur son livre les mots indiqués par les numéros, les écrivit sur un morceau de papier, et lut enfin ce qui suit : « Pour l’amour de Dieu, ne faites pas de signal, pas d’engagement. » Dès qu’il eut lu ces mots, il déchira le papier en fragments qu’il jeta à la mer, remit le livre à sa place, et se tournant d’un air calme vers son capitaine, il lui ordonna de faire battre la caisse, pour appeler tout le monde à son poste de combat, aussitôt que Bunting aurait hissé un signal pour donner le même ordre à toute l’escadre. À ces mots, tous, excepté le vice-amiral, montèrent sur le pont, et les Bowlderos se mirent à emporter la table, les chaises et tout le reste du mobilier. Se trouvant gêné par les opérations des domestiques, sir Gervais entra dans la grande chambre, et sans faire attention à l’état dans lequel elle se trouvait, il commença à se promener comme c’était sa coutume quand il réfléchissait. Les cloisons étant démontées, et tout le mobilier en ayant été retiré, c’était dans le fait se promener en vue de tout l’équipage. Tous ceux qui étaient dans la batterie purent voir ce qui se passait, quoique personne n’eût la présomption d’entrer dans une enceinte interdite aux pieds profanes, même dans un moment où elle était entièrement ouverte. Cependant l’air et l’aspect de sir Jarry n’échappèrent pas aux observations, et l’on en tira le pronostic que l’affaire serait sérieuse.

Tel était l’état des choses quand le tambour battit sur toute la ligne pour appeler tout le monde à son poste de combat. Au premier coup de caisse qu’on entendit, la chambre de conseil ne fut plus qu’une batterie ordinaire. Les matelots chargés du service de deux pièces de canon entrèrent avec leurs officiers dans ses limites sacrées et se