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qu’y répondit le jeune officier fut qu’il était né dans les colonies, et qu’il avait des colons pour parents ; fait dont ses auditeurs avaient déjà été informés dix à douze fois.

— Il est assez singulier, monsieur Wychecombe, continua le baronnet, que vous portiez mes deux noms, et que cependant nous ne soyons point parents. Le nom de Wycherly a été introduit autrefois dans une famille par sir Hildebrand Wicherly, qui fut tué à la bataille de Bosworth, et dont un de mes ancêtres épousa la fille unique. Depuis ce temps, Wicherly a été un nom favori parmi nous. Je ne crois pas que les Wichecombe du comté de Hertz aient jamais donné ce nom à un de leurs enfants, quoiqu’ils nous fussent parents, mais seulement dans une ligne, comme mon pauvre frère le juge avait coutume de le dire. Je suppose que votre père, Tom, vous a expliqué ce qu’on entend par parent dans une seule ligne ?

Les joues de Tom devinrent pourpres à cette question. Il jeta un coup d’œil inquiet sur tous ceux qui venaient de l’entendre ; et il s’attendait à voir un air de triomphe dans les yeux du lieutenant. Ce fut un grand soulagement pour lui en voyant que chacun semblait donner à ces mots leur sens le plus naturel. Quant à son oncle, il n’avait pas le moindre dessein de faire allusion à la naissance illégitime de son neveu, et les autres supposaient, comme tout le monde, que l’héritier du juge était son fils légitime. Puisant un nouveau courage dans les regards de ceux qui l’entouraient, Tom répondit avec un sang froid qui ne permit pas de remarquer son agitation :

— Certainement, Monsieur. Mon digne père n’a oublié de me dire rien de ce qu’il jugeait nécessaire pour me mettre en état de maintenir mes droits et l’honneur de ma famille. Je sais fort bien que les Wychecombe du comté de Hertz n’ont aucun droit de se dire nos parents, pas plus que tout autre Wychecombe qui ne descend pas de mon respectable aïeul, le dernier sir Wycherly.

— Ce doit avoir été un des premiers plutôt que le dernier des sir Wycherly, monsieur Thomas, dit Dutton riant lui-même de ce qu’il croyait un trait d’esprit, car je ne me rappelle personne qui ait porté ce titre depuis cinquante ans, si ce n’est l’honorable baronnet qui est ici présent.

— Cela est vrai, Dutton, très-vrai, répliqua le baronnet ; aussi vrai qu’il l’est que le vent et la marée n’attendent personne. Nous comprenons ce proverbe, nous autres habitants de la côte. Il y a eu cinquante ans en octobre dernier que j’ai succédé à mon respectable père mais il ne se passera pas un autre demi-siècle avant que quelqu’un me succède.