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— Ce n’est pas là notre compte, dit sir Gervais avec sang-froid ; un vaisseau désemparé tomberait tout droit entre leurs bras ; et quant à obtenir du succès dans un combat à grande distance ; c’est ce qu’on ne peut espérer dans un combat d’un contre deux. — Non, non, monsieur de Vervillin, montrez-nous les dents si vous voulez, et vous en avez de belles, mais vous n’obtiendrez pas de moi un seul boulet. J’espère que l’ordre de ne montrer aucun feu est dûment exécuté ?

— Je ne crois pas qu’il y ait un seul feu visible sur aucun des bâtiments de l’escadre, sir Gervais, répondit Bunting ; mais nous nous trouvons si près de l’ennemi, qu’il ne peut être bien difficile de dire où nous sommes.

— À l’exception du Carnatique et de la prise, Bunting. Plus ils s’occuperont de nous, moins ils songeront à eux.

Il est probable que l’amiral français avait été trompé par l’approche de ses ennemis, pour la prouesse desquels il avait un profond respect. Il avait fait tous ses préparatifs dans l’attente d’une attaque mais il n’ouvrit pas son feu, quoique des boulets de fort calibre eussent certainement produit de l’effet. Mais, ne se souciant pas de s’exposer à l’incertitude d’une action nocturne, il ne voulut pas provoquer un engagement ; et au bout d’une heure, les feux disparurent de ses sabords. En ce moment, les vaisseaux anglais, en portant plus de voiles que ce n’est l’usage par une brise si forte, se trouvèrent hors de la portée du canon par le bossoir du vent des Français. Ce ne fut qu’alors que sir Gervais, après s’être assuré par le moyen de ses longues-vues que les vaisseaux ennemis avaient de nouveau cargué leurs basses voiles, et, faisaient route sous très-petite voilure, donna l’ordre de diminuer de voiles.

Il était alors près de minuit, et sir Gervais se prépara à descendre dans sa chambre. Cependant, avant de quitter le pont, il donna des ordres explicites au capitaine Greenly, qui les transmit à son premier lieutenant, cet officier ou lui devant veiller toute la nuit sur le pont, attendu que les manœuvres de toute l’escadre devaient dépendre de celles du vaisseau amiral. Alors le vice-amiral se retira, et alla se coucher tranquillement. Il n’était pas homme à renoncer au sommeil parce qu’il ne se trouvait pas précisément hors de la portée des canons de l’ennemi. Accoutumé à manœuvrer en face de flottes ennemies, cette situation avait perdu pour lui sa nouveauté. Il avait pleine confiance dans la pratique de ses capitaines ; il savait qu’il ne pouvait rien arriver de fâcheux tant qu’ils exécuteraient ses ordres et en douter, c’eût été à ses yeux une hérésie. Personne ne