Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/367

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui s’était formé autour de lui sur la dunette ; et maintenant nous tâcherons de compter l’ennemi afin de nous assurer qu’il n’a pas aussi détaché des rôdeurs pour ramasser les épaves. Greenly, essayez cette longue-vue ; elle est disposée pour la nuit, et vos yeux sont les meilleurs que nous ayons. Cherchez surtout le vaisseau qui porte des mâts de fortune.

— Je ne compte que dix vaisseaux dans la ligne, sir Gervais, répondit le capitaine après un long examen. Quant au bâtiment désemparé, il faut qu’il soit allé sous le vent car je ne puis en apercevoir aucune trace.

— Voulez-vous me faire le plaisir, sir Wycherly, de voir aussi ce que vous pouvez découvrir ?

Après un examen encore plus long que celui du capitaine, Wycherly fit un rapport semblable à celui de Greenly, en ajoutant qu’il ne voyait plus la frégate qui avait été la plus voisine de l’Éclair pendant toute la journée, et qui en répétait les signaux. Cette circonstance fit plaisir à sir Gervais, car il était charmé de voir ses pronostics se réaliser, et il n’était pas fâché d’être débarrassé d’un des légers croiseurs de l’ennemi, bâtiments qui sont souvent embarrassants, même pour les vainqueurs, après une affaire décidée.

— Je crois, sir Gervais, ajouta Wycherly d’un ton modeste, que les Français marchent l’amure à bâbord, et cherchent à remonter au vent pour s’approcher de nous. — Ne l’avez-vous pas remarqué aussi, capitaine Greenly ?

— Pas du tout. S’ils portent leurs basses voiles, ce ne peut être que depuis cinq minutes. — Ah ! sir Gervais, voici un indice que nous ne passerons pas cette nuit dans l’inaction.

En parlant ainsi, Greenly étendit le bras vers l’endroit où l’on savait qu’était l’amiral français, et où l’on voyait paraître en ce moment une double rangée de feux, annonçant que les fanaux des batteries étaient allumés, et indiquant une disposition à engager le combat. En moins d’une minute, on pouvait suivre toute la ligne française sur la mer, à la double rangée d’illumination dont la clarté ressemblait à celle qu’on voit briller par la fenêtre d’une chambre où brûle un bon feu, plutôt qu’à cette produite par des lampes ou des chandelles qu’on aperçoit. Comme c’était précisément l’espèce de combat dans lequel les Anglais avaient beaucoup à risquer et peu à gagner, sir Gervais donna ordre sur-le-champ de faire brasser au plus près, d’amurer les basses voiles à joindre, et d’établir les perroquets. Les vaisseaux qui le suivaient en firent autant, et serrèrent le vent.