Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/364

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’il ne l’envoie à Cherbourg dès que la nuit sera tombée, et il le fera très-probablement escorter par une de ses corvettes ou peut-être par une frégate.

— Oui, amiral, répondit Parker d’un air pensif, dès que son officier supérieur eut cessé de parler ; il me paraît très-vraisemblable que votre prédiction s’accomplira.

— Elle doit s’accomplir, Parker, car le vent est favorable pour ce port. À présent vous pouvez vous imaginer ce que j’attends du Carnatique.

— Je crois vous comprendre, amiral ; mais s’il m’est permis de vous exprimer mon désir…

— Parlez, franchement, mon vieux camarade ; vous parlez à un ami. J’ai fait choix de vous pour ce service par intérêt pour vous, parce que je vous aime et que vous êtes le plus ancien capitaine de l’escadre. Celui qui prendra ce vaisseau n’aura pas à s’en repentir.

— Fort bien, sir Gervais. Mais n’est-il pas probable que nous aurons demain de nouvelle besogne, et serait-il tout à fait prudent d’envoyer ailleurs un aussi bon vaisseau que le Carnatique, quand, même en le comptant, nous n’en aurions que six à opposer aux dix de l’ennemi ?

J’ai réfléchi à tout cela, et je crois même avoir deviné vos pensées. Vous vous figurez qu’il sera plus honorable à votre vaisseau de tenir sa place dans la ligne que de prendre un bâtiment plus d’à demi désemparé.

— J’avoue que cette idée m’est entrée dans l’esprit.

— Eh bien ! voyez comme il est facile de l’en faire sortir. Par ce vent modéré, je ne puis combattre les Français sans renfort. Quand la seconde division nous aura rejoints, nous serons juste dix contre dix sans vous compter, et avec vous nous serions onze contre dix. J’avoue que je ne me soucie pas d’avoir un tel avantage, et je ferai certainement partir un de mes vaisseaux, surtout quand je me sens assuré qu’un beau bâtiment à deux ponts en sera la récompense. Or, si ce bâtiment est accompagné d’une frégate, vous aurez à qui parler, la partie sera égale, et si vous vous emparez de l’un ou de l’autre, ce sera un exploit qui n’est pas à dédaigner. Qu’en dites-vous à présent, Parker ?

— Je commence à mieux penser de votre plan, sir Gervais, et je vous remercie de m’avoir choisi pour l’exécuter. Mais je voudrais recevoir de vous des instructions plus précises, car je me suis toujours bien trouvé de les avoir suivies.

— Les voici. Prenez, quatre à cinq paires des meilleurs yeux que vous ayez à bord, mettez-les en vigie, et qu’ils ne perdent pas de vue