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à moins que ce portrait suspendu devant les pieds de votre lit ne vous fasse entrer d’autres idées dans la tête. Quelle est cette nymphe, mon vieux camarade, eh ! Parker ?

— C’est le portrait de ma femme, sir Gervais. J’espère que c’est une compagnie convenable dans une croisière ?

— Quoi ! cette jeune beauté votre femme, Parker ? Comment diable a-t-elle voulu de vous ?

— Ah ! sir Gervais, elle n’est plus ce que vous la voyez, à présent qu’elle a passé la cinquantaine. Ce portrait a été fait quand nous nous sommes mariés ; et maintenant que l’original a partagé si longtemps mon destin, la copie ne m’en est que plus chère. Je ne regarde jamais ce portrait sans songer avec reconnaissance combien elle pense à moi quand je suis sur mer, combien elle prie le ciel de nous être favorable ; et elle songe aussi à vous dans ses prières, sir Gervais.

— À moi ! s’écria le vice-amiral, touché du ton de franchise et de simplicité de son vieil ami. — Entendez-vous cela, Greenly ? Je suis sûr que cette dame est une bonne femme, une excellente créature, précisément ce qu’était ma pauvre mère, qui répandait le bonheur sur tout ce qui l’entourait. Donnez-moi la main, Parker ; et la première fois que vous écrirez à votre femme, dites-lui de ma part que Dieu la protège ! Dites-lui tout ce que vous croyez qu’un homme doive dire en pareille occasion. Et maintenant rentrons dans votre chambre de conseil ; asseyons-nous, et nous parlerons d’affaires.

Les deux capitaines et Wycherly suivirent le vice-amiral, et celui-ci s’étant assis sur un petit sofa, les trois autres prirent des chaises et s’y tinrent dans une attitude respectueuse, le ton de familiarité ou de plaisanterie d’un officier supérieur de marine ne diminuant jamais la distance entre lui et ses officiers inférieurs, fait que les législateurs feraient bien de se rappeler quand ils règlent l’ordre des rangs dans un service. Dès qu’ils furent assis, le vice-amiral prit la parole.

— J’ai un devoir délicat à faire exécuter, capitaine Parker, dit-il, et je désire vous en charger. Vous savez que nous avons assez maltraité sous tous les rapports, ce matin, le vaisseau qui nous a échappé en se réfugiant dans sa ligne, indépendamment des deux mâts qu’il a perdus. Comme vous avez pu le voir, il a suppléé à cette perte par deux mâts de fortune, mais ces mâts ne sont bons que pour le conduire dans un port. M. de Vervillin n’est pas l’homme que je le suppose s’il a dessein de laisser les choses entre nous où elles en sont. Cependant il ne peut pas plus conserver dans son escadre ce vaisseau désemparé, que nous ne pouvons garder notre prise avec nous. Je ne doute pas