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éprouve cette sensation, l’esquif le plus solide, monté par les rameurs les plus vigoureux, ne paraissant la moitié du temps que comme une plume qui flotte dans les courants capricieux de l’air.

Cependant ceux qui se trouvaient sur la barge étaient trop habitués à leur situation pour s’occuper beaucoup de pareilles idées, et sir Gervais, après avoir accepté l’offre que lui fit Wycherly de prendre la barre, leva les yeux pour examiner en critique le Plantagenet.

— Morganic a une meilleure excuse que je ne l’avais supposé pour son gréement en chébec, dit-il après avoir employé une minute à cet examen. Votre petit mât de hune, Greenly, penche au moins de six pouces trop en avant, et je vous prie de le faire redresser demain matin, si le temps le permet. Je n’aime point vos bâtiments de la Méditerranée dans un détroit.

— Fort bien, sir Gervais, répondit tranquillement le capitaine ; le mât sera redressé demain pendant le quart du matin.

— Voyez Goodfellow ! Quoiqu’il soit à moitié ministre, il trouve le moyen de toujours tenir ses mâts plus droits que ceux d’aucun capitaine de l’escadre. — Vous n’en verrez jamais un qui soit d’un demi-pouce hors de sa place à bord du Warspite.

— C’est parce que son capitaine arrange tout d’après le modèle de sa propre vie, répondit Greenly en souriant. Si nous valions la moitié de ce qu’il vaut en d’autres choses, nous pourrions valoir mieux que nous ne valons en science nautique.

— Je ne crois pas que la religion nuise à un marin, Greenly ; non, pas le moins du monde. — C’est-à-dire qu’il ne coince pas ses mâts trop serré, et qu’il y laisse du jeu pour tous les temps possibles. — Il n’y a aucune hypocrisie dans Goodfellow.

— Pas un atome, sir Gervais ; et c’est ce qui fait que tout le monde l’aime. Le chapelain du Warspite sert à quelque chose ; mais autant vaudrait avoir un beaupré passant par la fenêtre d’une de nos chambres, que le nôtre.

— Comment, Greenly ! nous ne rendons jamais les derniers devoirs à un homme sans qu’il soit descendu dans l’eau comme doit l’être un chrétien, répondit le vice-amiral avec la simplicité d’un vrai croyant aux convenances ; je déteste de voir un marin jeté à la mer comme un paquet de vieux habits.

— Je conviens que nous remplissons assez bien cette partie de nos devoirs ; mais avant qu’un homme soit mort, notre chapelain pense qu’il appartient entièrement au docteur.

— Je gagerais cent guinées que c’est Magrath qui lui a donné cette idée. — Sir Wycherly, écartez-vous un peu plus du Blenheim ;