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choses quand le soleil se plongea dans l’Océan, l’ennemi étant alors par le bossoir sous le vent, à la distance d’une lieue et demie ; à ce moment, le Plantagenet fit un signal pour que tous les bâtiments missent en panne, le grand hunier sur le mât, et les officiers qui se trouvaient sur le pont furent surpris d’entendre le second maître d’équipage donner le coup de sifflet pour faire embarquer les canotiers de l’amiral.

— Ai-je bien entendu, sir Gervais ? demanda Greenly avec curiosité et intérêt ; désirez-vous qu’on mette votre barge à la mer ?

— Vous avez parfaitement entendu, Greenly, et si vous y êtes disposé par cette belle soirée, je vous prierai de me faire le plaisir de m’accompagner. — Sir Wycherly Wychecombe, puisque vous n’avez pas de fonctions à remplir ici, j’ai le droit, comme amiral, de vous mettre en réquisition pour mon service. — Je vous dirai en passant, Greenly, que je viens de signer un ordre pour que sir Wycherly soit attaché à mon état-major particulier ou à ma famille comme disent les soldats. Dès qu’Atwood aura copié cet ordre, il vous sera remis, et de ce moment je vous prie de le considérer comme mon premier adjudant.

Personne ne pouvait faire d’objection à ces arrangements, et Wycherly remercia le vice-amiral par un salut. Au même instant on frappa les palans sur la barge, on la hissa de dessus ses chantiers, on la mit à la mer, on décrocha les palans, les canotiers s’y embarquèrent, mâtèrent leurs avirons, placèrent les gaffes contre le bord ; tout cela fut l’affaire d’un instant. — Une minute après, la garde présenta les armes, le coup de sifflet du maître d’équipage se fit entendre, le tambour battit, et Wycherly, sautant sur le passavant, fut hors de vue aussi vite que la pensée. Greenly et le vice-amiral le suivirent, et la barge partit.

Quoique les lames fussent beaucoup moins fortes et que leurs crêtes ne fussent plus dangereuses, la mer était loin d’être aussi calme qu’un lac par une belle soirée d’été. Dès le premier coup d’avirons, la barge s’éleva sur le sommet d’une longue lame qui l’enleva comme une plume, et quand l’eau se retira sous elle, il sembla qu’elle allait se plonger dans quelque caverne de l’Océan. Peu de chose donne une plus forte idée de l’impuissance où l’on peut se trouver de s’aider soi-même, que la vue d’une barque ballottée ainsi sur les vagues quand la mer n’est pas courroucée, car on est alors porté à s’attendre à quelque chose de mieux qu’à être ainsi le jouet des éléments. Néanmoins tous ceux qui ont vogué sur l’Océan, même dans ses moments de plus grand calme, doivent avoir plus ou moins