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lieu ; et cinq heures après, non-seulement la mer était tombée, mais le vent avait varié de plusieurs quarts, et il soufflait du nord-ouest, bonne brise à porter les perroquets. Peu après, l’escadre française vira de bord vent arrière, gouvernant au nord-est quart de nord, avec un peu de largue dans ses voiles. Les Français avaient mis de l’activité à réparer leurs avaries ; rien ne manquait au vaisseau amiral, et il portait les mêmes voiles que les autres bâtiments. Il n’était pas aussi facile de suppléer à tout ce qui manquait au Scipion ; cependant il avait établi deux mâts de fortune, les autres vaisseaux lui ayant envoyé des secours aussitôt que leurs canots avaient pu tenir la mer. Lorsque le soleil s’approcha de l’horizon occidental, et qu’il ne fallait plus qu’environ une heure pour que sa disparition terminât un des longs jours de cette haute latitude, ce vaisseau mit son hunier d’artimon en place de son grand hunier, et remplaça son hunier d’artimon par un petit perroquet. Ainsi équipé, il fut en état de suivre les autres bâtiments qui naviguaient sous petites voiles et attendaient que la nuit couvrît leurs mouvements.

Sir Gervais Oakes avait fait à toute son escadre le signal de virer de bord vent devant, successivement de l’arrière à l’avant-garde environ une heure avant que le Scipion eût obtenu cette voilure additionnelle. Cet ordre fut exécuté très-promptement, et comme, sur le premier bord, les vaisseaux portaient à l’ouest-sud-ouest, après qu’ils eurent viré et qu’ils gouvernèrent au nord-nord-est, leur ligne se trouva encore à une lieue au vent de l’ennemi. À mesure que chaque vaisseau s’orientait bâbord amures, il diminuait de voiles, afin de donner aux bâtiments de la queue le temps d’arriver en dépendant et de prendre leur poste. Il est à peine-nécessaire de dire que ce changement mit encore le Plantagenet en tête de la ligne ; mais il avait pour matelot de l’arrière le Warspite au lieu du Carnatique, qui était alors le dernier de l’arrière-garde.

C’était une glorieuse soirée, et elle promettait une aussi belle nuit. Cependant comme il n’y avait que six heures d’obscurité complète à cette époque de l’année, et que la lune devait se lever à minuit, le vice-amiral savait qu’il n’avait pas de temps à perdre s’il voulait faire quelque chose à la faveur des ténèbres. On n’avait plus besoin de prendre des ris, quoique tous les vaisseaux fussent sous petite voilure, pour proportionner leur allure à celle de la prise ; elle était pourtant alors remorquée par le Druide, qui portait ses huniers, tandis qu’elle était aidée en outre par ses basses voiles. Par ce moyen la Victoire se trouva en état, non seulement de suivre la flotte, mais de maintenir sa position au vent. Telle était la situation des