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en Angleterre, particulièrement cause de la tendance précoce des colons pour la démocratie. Ce n’était pas que cette tendance fût déjà devenue l’objet d’une jalousie politique, mais elle avait laissé des impressions sociales singulièrement propres à faire mépriser les colonies par un peuple tenant opiniâtrement à ses habitudes factices, et fortement enclin à tout voir, même les principes, à travers le milieu de coutumes conventionnelles et arbitraires. Il faut avouer qu’au milieu du xviiie siècle, les Américains étaient un peuple excessivement provincial, et ayant, à beaucoup d’égards, des vues étroites, tant dans leurs habitudes que dans leurs opinions, et le même reproche ne serait pas encore tout à fait injuste aujourd’hui. Mais le pays dont ils sont originaires n’avait pas lui-même encore fait alors ces vastes progrès de civilisation qui l’ont si distingué depuis un certain temps. D’une autre part, l’indifférence avec laquelle l’Europe entière regardait tout le continent américain, et que partageait la Grande-Bretagne, quoiqu’elle eût tant d’intérêts en commun avec les colons, faisait tomber constamment cette partie du monde dans des méprises constantes dans tous ses raisonnements ayant rapport aux colonies, et contribuait à faire naître le sentiment dont nous venons de parler. Sir Wycherly raisonnait et sentait, relativement à l’Amérique, à peu près comme sentait et raisonnait la grande masse de ses concitoyens en 1745. Les exceptions n’existaient que parmi les hommes éclairés et ceux à qui les devoirs qu’ils avaient à remplir rendaient nécessaires des connaissances plus exactes ; encore cela n’était-il pas toujours vrai de ces derniers. On dit que le ministre anglais conçut l’idée de soumettre l’Amérique à des taxes, parce qu’il avait vu un riche Virginien perdre une somme considérable au jeu, espèce d’argument ad hominem qui entraînait avec lui des conclusions très-dangereuses en l’employant à l’égard d’un peuple semblable à celui à qui il avait affaire. Quoi qu’il en soit, il n’y a nul doute qu’à l’époque de notre histoire, l’ignorance la plus profonde sur tout ce qui concernait l’Amérique régnait en général dans la mère-patrie. La vérité nous force d’ajouter qu’en dépit de tout ce qui est arrivé, la portion cisatlantique de cette faiblesse est celle qui a résisté le plus longtemps aux assauts du temps et à des relations multipliées.

Le jeune Wychecombe sentait vivement toute allusion qui semblait une insulte à la partie de l’empire britannique dans laquelle il était né. Il est vrai qu’il se regardait comme Anglais, qu’il avait le cœur loyal, et qu’il était disposé à soutenir en tous points l’honneur et les intérêts du siège de l’autorité ; mais lorsqu’il s’élevait quelque ques-