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tude ; car si l’ennemi lui eût inspiré la dixième partie de la crainte qu’il avait de son commandant en chef, il aurait été entièrement incapable de remplir sa place. Il jeta un coup d’œil sur la voilure pour voir si tout était bien en règle, et à chaque brasse qu’il avançait, il étudiait d’un air inquiet l’expression des traits du vice-amiral.

— Comment vous portez-vous, capitaine Parker ? lui demanda sir Gervais avec le ton formel que donne un porte-voix en le saluant suivant l’usage.

— Et comment se trouve sir Gervais Oakes ? J’espère qu’il n’a pas été touché dans cette dernière rencontre avec l’ennemi.

— Je vous remercie, capitaine, je n’ai reçu aucune blessure. Le Carnatique a-t-il souffert quelque avarie sérieuse pendant le combat ?

— Aucune qui mérite qu’on en parle, amiral. Une assez forte égratignure au mât de misaine, mais qui n’a rien d’alarmant, à présent que le vent commence à se modérer, quelques manœuvres coupées, et une couple de trous dans la coque.

— Avez-vous perdu beaucoup de monde ?

— Deux morts et sept blessés, amiral. Des hommes braves ; mais il m’en reste encore assez de semblables.

— Je dois donc comprendre que vous regardez le Carnatique comme en état de service, capitaine Parker ?

— En tant qu’il dépend de mes faibles moyens, amiral, répondit le vieux Parker, un peu alarmé d’une question si formelle et si précise. — Rencontrez la barre, Monsieur, rencontrez la barre !

Pendant ce temps le Carnatique était lancé dans le vent et ne faisait pas de chemin. La barre ayant été redressée, il arriva lentement et majestueusement en ligne parallèle avec le vaisseau amiral, son mouvement augmentant à mesure que les voiles portaient. Quand les vergues des deux vaisseaux se trouvèrent à environ vingt brasses de distance et qu’ils furent parfaitement par le travers l’un de l’autre, sir Gervais Oakes ôta son chapeau s’approcha d’un pas rapide du plat-bord de la dunette, et, faisant un geste de la main pour enjoindre le silence, dit d’un ton si distinct qu’on put l’entendre à bord des deux vaisseaux :

— Capitaine Parker, je désire vous remercier publiquement de votre noble conduite pendant cette journée. J’ai toujours dit qu’un commandant en chef ne pouvait avoir un meilleur matelot de l’arrière que vous dans un combat, et vous avez plus que prouvé que mon opinion était correcte. Je vous dois ces remerciements publics, capitaine.