Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/347

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de l’escadre anglaise. Ce ne fut pas tout. En ce moment important de la journée, sir Gervais Oakes se trouva en état d’augmenter la voilure de tous ses bâtiments en établissant ses huniers aux bas ris ; tandis que la Victoire, vaisseau fin voilier, était en état de marcher de conserve avec les autres, en portant ses voiles basses. Les Français ne pouvaient en faire autant, car il ne restait au Scipion aucun autre mât que celui de misaine. Avant que la distance fût assez grande pour empêcher de faire de pareilles observations, sir Gervais s’était assuré que l’ennemi préparait de nouveaux mâts de hunes et autres agrès pour les envoyer au vaisseau amiral, et des mâts majeurs de fortune pour le Scipion, quoique l’état de la mer ne permît pas encore de les leur transmettre. Il fit ses plans pour la nuit suivante en conséquence, ne voulant ni épuiser son monde de fatigue, ni faire connaître ses intentions à l’ennemi, en réparant de même la mâture de sa prise.

Vers midi, il signala successivement les numéros de tous ses bâtiments, pour s’informer si quelqu’un d’entre eux avait souffert des avaries importantes. Les réponses furent en général satisfaisantes ; mais deux ou trois lui laissant quelque chose à désirer, il résolut de recourir à un moyen plus direct pour s’assurer de l’état véritable de sa flotte. Pour mettre à exécution ce projet important, sir Gervais attendit encore deux heures, tant pour laisser aux différents équipages le temps de dîner, que dans l’espoir que le vent et la mer continueraient à se calmer, comme ils avaient déjà commencé. À l’expiration de ce temps, il monta sur la dunette, et fit venir Bunting pour qu’il remplît ses fonctions ordinaires.

À deux heures après midi, il faisait ce qu’on appelle une brise à porter les huniers à tête de mât ; mais la mer étant encore grosse, et les vaisseaux naviguant au plus près, le vice-amiral ne jugea pas à propos d’augmenter la voilure. Peut-être le désir de ne pas se mettre à plus grande distance de l’ennemi y contribuait-il pour quelque chose, car il entrait dans son plan de garder en vue M. de Vervillin aussi longtemps que le jour durerait, afin de pouvoir se faire une idée passable de la position que l’escadre française occuperait pendant les heures de ténèbres. Son intention pour le moment était de faire passer tous ses bâtiments en revue devant lui, de même qu’un général, accompagné de son état-major, fait défiler ses régiments devant lui afin de juger de leur instruction et de leur bonne tenue. Le vice-amiral Oakes était le seul officier de la marine britannique qui eût jamais adopté cette pratique ; mais il faisait bien des choses auxquelles les autres ne songeaient jamais, et entre autres, il