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sont dans l’ouest de l’Angleterre, et j’en ai vu un. D’après ce qu’il m’a dit, je vois que ce destin dépend de moi plus que je n’aurais pu me le figurer, et encore davantage des mouvements de M. de Vervillin. Ne vous pressez pas trop, prenez du temps pour réfléchir, et accordez-m’en aussi car je me sens comme un misérable dont le sort va être décidé. Qu’aucun motif ne vous fasse risquer un engagement, dans la croyance que cette division est assez près pour vous soutenir. Attendez du moins que je vous écrive d’une manière plus positive, ou que nous puissions nous voir. Il me semble également difficile de frapper un coup contre mon prince légitime ou d’abandonner mon ami. Pour l’amour du ciel, agissez avec prudence et comptez que vous me verrez d’ici à vingt-quatre heures. Je ferai route à l’est dans l’espoir de vous rencontrer ; car je suis convaincu que de Vervillin n’a rien à faire à l’ouest. Il est possible que je vous envoie quelque message verbal par le porteur, car mes pensées sont paresseuses et mon esprit ne les accueille qu’avec répugnance.

« Tout à vous,

« Richard Bluewater. »


Sir Servais Oakes lut cette lettre deux fois avec beaucoup d’attention ; il la froissa ensuite dans sa main avec la même force que s’il eût voulu étouffer un reptile venimeux. Ne se contentant pas de cette manifestation de mécontentement, il la déchira ensuite en si petits morceaux qu’il aurait été impossible de les rapprocher de manière à pouvoir connaître le contenu de cette lettre, et ouvrant une fenêtre, il en jeta tous les fragments dans la mer. Quand il crut avoir ainsi détruit tout indice de la faiblesse de son ami, il commença à se promener dans son salon à sa manière ordinaire. Wycherly entendit ses pas, et fut surpris du délai qu’il mettait à reparaître. Mais son devoir l’obligeait à rester, et il passa une demi-heure en silence avant que sir Gervais ouvrît la porte et rentrât dans la grande chambre. Le vice-amiral avait banni de sa physionomie tout signe d’agitation et de détresse, mais l’officier put y remarquer un air d’inquiétude.

— Le contre-amiral vous a-t-il chargé de quelque autre message, sir Wycherly ? demanda l’amiral. Il me donne à entendre dans sa lettre que vous y ajouterez quelques explications verbales.

— Je suis honteux d’avoir à vous avouer, sir Gervais, que je ne puis rien vous dire qui soit intelligible. Il est très-vrai que le contre-amiral m’a dit quelques phrases que je devais vous répéter ; mais j’avais sans doute en ce moment l’esprit extraordinairement bouché,