Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 20, 1843.djvu/324

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

chassé la fumée — l’occasion de regarder autour de lui. La plupart des vaisseaux français avaient viré de bord ; mais, indépendamment de ce qu’ils seraient encore aussi loin de lui en arrière, quand ils seraient par le travers, en supposant qu’il restât où il était, ils seraient à une grande portée de canon sous le vent et il n’avait pas dessein de rester où il était, car il était bien décidé à conserver tous ses avantages. La grande difficulté était de prendre possession de la prise, car la mer était si houleuse, qu’il était douteux qu’un canot pût y résister. Mais lord Morganic était d’un âge et d’un caractère à résoudre bientôt cette question. Étant par le travers au vent de la Victoire quand elle baissa pavillon, il ordonna à son premier lieutenant d’entrer dans sa plus grande embarcation, et y ayant placé une demi-douzaine de soldats de marine et l’équipage nécessaire, on la vit bientôt suspendue en l’air sur l’Océan bouillonnant. Amener le canot et décrocher les palans, ce fut l’affaire d’un instant. Les avirons battirent l’eau, et l’embarcation fut portée rapidement sous le vent. Une commission de commandant dépendait du succès qu’il obtiendrait, et Daly fit des efforts désespérés pour réussir. La prise s’offrit à lui sous le vent ; mais les Français, avec la bienveillance, la politesse et la magnanimité de leur nation, et que n’auraient probablement pas eues les Anglais s’ils avaient été à leur place, jetèrent des cordes à leurs vainqueurs pour les tirer d’une position dangereuse. Les Anglais parvinrent ainsi à monter sur la prise, mais l’embarcation fut brisée et coula à fond.

L’apparition du pavillon rouge d’Angleterre, — symbole du rang que sir Gervais occupait dans la marine, — au-dessus du pavillon blanc de France, fut ce qui apprit à l’amiral qu’un maître de prise était à bord de la Victoire. Il fit sur-le-champ le signal à toute l’escadre d’imiter les manœuvres du commandant en chef. Sa grande voile, tous les ris pris, avait remplacé son hunier déchiré, et le Plantagenet fit de nouveau route vers le sud, comme s’il ne fût arrivé rien d’extraordinaire. Daly eut un quart d’heure de grand travail à bord de la prise avant de pouvoir la mettre en route, comme il le désirait ; mais enfin, à l’aide de la hache, il coupa tous les agrès qui retenaient encore les mâts brisés, et débarrassa la Victoire en laissant tomber tous ces débris à la mer. Ce bâtiment portait alors sa misaine, et ses voiles d’étai de misaine et d’artimon, et l’on était sur le point d’établir la grande voile, avec tous les ris pris, pour le tirer du milieu de ses ennemis, quand son pavillon fut amené. Tout ce qu’il pouvait désirer, c’était d’amurer et de border sa grande voile avec ses ris pris, et ce fut vers ce point important qu’il dirigea tous ses