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— Soyez tranquille, Milly, lui dit son père, il est en sûreté, vous le voyez à la tension des drisses et pour dire la vérité, elles sont d’excellente qualité. Tant qu’elles tiendront bon, il est en sûreté, car il ne peut tomber, s’étant passé le cordage autour du corps. N’ayez pas peur ; je me sens mieux à présent, et je vois le chemin devant moi. — Ne soyez pas inquiet, sir Wycherly, nous le verrons sur la terre ferme dans dix minutes. Je ne sais ce que j’avais ce matin, mais mes membres ne m’obéissaient pas comme de coutume. Ce ne peut être la frayeur, car j’ai vu trop de gens en danger pour qu’elle produise un tel effet sur moi. Il faut que ce soit le rhumatisme dont je me suis plaint si souvent, et dont j’ai hérité de ma pauvre mère. — Savez-vous, sir Wycherly, qu’on peut hériter d’un rhumatisme comme de la goutte.

— J’ose dire que cela est possible, Dutton ; mais ce n’est pas le moment de songer à votre rhumatisme. Quand mon jeune homonyme sera sur le gazon à côté de nous, j’écouterai tout ce que vous voudrez en dire. Je donnerais tout au monde pour ne pas avoir envoyé Richard chez M. Rotherham. Ne pourrions-nous faire tirer les cordes par mon poney, Dutton ?

— Elles sont à peine assez fortes pour une telle besogne, sir Wycherly. Mais ayez patience, et je mettrai tout en bon ordre, en marin anglais. — Hohé, monsieur Wychecombe ! répondez-moi, si vous m’entendez, et je vous remettrai bientôt flot.

— Je suis en sûreté sur un rebord du rocher, répondit Wychecombe. — Je vous prie d’examiner les drisses, monsieur Dutton, et de voir si elles ne frottent pas contre quelque pointe du rocher.

— Tout va bien, Monsieur, tout va bien. Molissez les drisses, et laissez-moi avoir toute la corde que vous avez de trop, en conservant pourtant la portion qui vous entoure le corps. Il faut la garder, de crainte d’accident.

Un instant après, on vit les cordes se relâcher ; et Dutton, à qui ses membres obéissaient alors, les prenant par le double, avança quelques pas sur le plateau, et le fit passer autour d’une pointe de rocher, d’où il s’assura qu’il ne pourrait s’échapper, par suite de la tension, qui ne ferait au contraire que le resserrer davantage. Cet endroit était précisément en droite ligne au-dessus de celui où le jeune marin avait éprouvé son premier accident, et où il se trouvait un grand nombre de pointes et de crevasses qui faisaient qu’un homme ferme et agile pouvait y marcher sans un grand danger. Il ne restait donc à Wychecombe qu’à regagner cet endroits, dont nous avons déjà dit qu’il n’était qu’à une dizaine de pieds ; après quoi il