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tive des deux escadres. Tous les vaisseaux anglais maintenaient la leur avec une exactitude admirable, avançant encore vers le sud en ligne serrée, ayant le vent presque de trois quarts largue et leurs vergues brassées. Dans de telles circonstances, il ne fallait à ces bâtiments que sept à huit minutes pour faire un mille à travers l’Océan agité, et cela au moment où les plus avancés d’entre eux avaient été exposés au feu lent et incertain que l’état du temps permettait. D’un autre côté, un grand désordre régnait parmi les Français. Leur ligne n’avait jamais été parfaite, et elle avait une lieu d’étendue. Quelques-uns des premiers vaisseaux, ou ceux qui étaient près du commandant en chef, se soutenaient aussi bien qu’on pouvait le désirer, tandis que de longs intervalles séparaient ceux qui étaient à l’arrière. Parmi ceux-ci il y en avait même, comme on l’a déjà dit, qui étaient beaucoup plus au vent que les autres, irrégularité qui venait du désir qu’avait le comte de se rapprocher de l’ennemi le plus possible en serrant le vent, ce qui nécessairement le portait au vent des moins bons voiliers de son escadre. Ainsi les deux vaisseaux de la queue de sa ligne comme nous l’avons déjà dit, ayant beaucoup piqué au vent, se trouvaient avoir plus gagné au vent que les autres ; mais ayant ensuite ralenti leur sillage, ils se trouvaient proportionnellement arriérés. C’était cette réunion de circonstances qui les avait placés tellement au vent et en arrière.

Au moment où sir Gervais montra leur position à Greenly, les deux vaisseaux dont nous venons de parler étaient à un bon demi-mille au vent du bâtiment français le plus voisin ; et plus qu’à cette distance en arrière de sa ligne. Si l’on se rappelle que le vent était presque exactement à l’ouest, et que tous les bâtiments français, ces deux-ci exceptés, gouvernaient au nord, on comprendra la position relative de ces derniers. L’Éclair avait aussi laissé porter, après la perte de ses huniers, jusqu’à ce qu’il fût dans les eaux des bâtiments de sa ligne qui le précédaient ; et comme ces bâtiments avaient fait route ayant le vent par le travers, cette manœuvre jeta les Français encore plus sous le vent. Pour rendre les choses encore pires à l’instant où le Warspite, vaisseau serre-file anglais, se trouva hors de portée du canon des Français, M. de Vervillin hissa un signal à sa corne pour que toute son escadre virât vent arrière, ordre qui avait certainement une apparence de bravoure et qui avait l’air d’un défi ; car c’était placer ses bâtiments sur la même bordée que ceux de son ennemi, mais qui était en même temps singulièrement propre à rendre à celui-ci tout l’avantage du vent qu’il avait perdu en laissant porter. Comme il était nécessaire d’avoir de l’espace pour exécuter