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Tandis qu’il partait ainsi, tout le monde était déjà en mouvement. Les officiers prenaient leurs armes, le chirurgien préparait ses instruments, et le chapelain, saisissant un plat de bœuf froid qu’on venait de placer sur la table, l’emporta dans sa chambre pour le mettre à l’abri de tout accident. En une minute la chambre des officiers fut abandonnée par tous ceux qui s’y réunissaient ordinairement, et leur place fut remplie par les matelots chargés du service de quatre pièces de trente-deux qui s’y trouvaient. Lorsque les officiers rencontraient quelques matelots, leur physionomie prenait un air d’autorité, et on les entendait leur donner d’une voix sévère l’ordre de tout disposer à la hâte, tandis qu’ils se rendaient eux-mêmes chacun à son poste.

Pendant tout ce temps, sir Gervais Oakes se promenait sur la dunette. Bunting était prêt à faire hisser le nouveau signal, et Greenly n’attendait que les rapports qu’on devait lui faire pour aller joindre le commandant en chef. Cinq minutes après le premier coup de tambour, il les avait reçus, et il monta sur la dunette.

— En continuant à suivre notre route actuelle, capitaine Greenly, dit sir Gervais, cherchant à justifier à ses propres yeux l’évolution qu’il projetait, l’arrière-garde de notre ligne et l’avant-garde de celle des Français se trouveront à portée de canon l’une de l’autre ; un accident pourrait nous faire perdre un vaisseau ; car un bâtiment désemparé tomberait nécessairement au milieu des ennemis. Mon intention est de laisser porter de manière à élonger les vaisseaux de tête de la ligne française à environ la même distance où le Warspite doit passer, ce qui changera un peu la face des choses. Quelles seraient, suivant vous, les suites de cette manœuvre ?

— Que les deux avant-gardes se trouveront précisément dans la même position que se seraient trouvées celle de l’ennemi et l’arrière-garde de la nôtre, comme vous venez de le dire, sir Gervais.

— Il ne faut pas être grand mathématicien pour dire cela, Monsieur. Dès que Bunting hissera le signal, vous laisserez arriver jusqu’à ce que nous ayons le vent par le travers. Ne vous occupez pas des bras ; nous resterons ainsi brassés au plus près. Dès que j’aurai dépassé l’amiral français, je reviendrai au vent à ma première route ; cela nous fera perdre quelque chose de notre position au vent, ce qui m’est fort indifférent. Donnez l’ordre. Monsieur. — Bunting, hissez le signal.

Ces ordres furent exécutés en silence, et le moment d’après, le Plantagenet plongeait dans le creux des lames, avec un sillage double de celui qu’il avait au plus près. Les autres vaisseaux répon-