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Denham pouvait continuer sa marche sans changer de route. Ce serait quelque chose de mâle et de digne de bons marins, si une flotte de force inférieure passait ainsi devant une flotte de force supérieure.

— Oui, sir Gervais, mais cela pourrait nous coûter une belle frégate. Le comte ne peut trouver de difficulté à se servir des canons du vent de sa batterie basse, et une décharge de deux ou trois de ses premiers vaisseaux pourrait couper quelque mât dont la perte serait fatale à Denham dans une pareille position.

Sir Gervais plaça ses mains derrière son dos, se promena une minute, et dit d’un ton décidé :

— Bunting, faites signal à la Chloé de virer vent arrière, car on ne peut songer à virer vent devant avec une pareille mer et si peu de toile dehors.

Bunting avait prévu cet ordre, et il avait même déjà secrètement ordonné aux aides-timonniers de préparer les pavillons nécessaires, qui furent hissés dès que sir Gervais eut parlé. La Chloé était également aux aguets, car elle attendait cet ordre à chaque instant ; et avant qu’on eût vu son pavillon l’attention, elle avait déjà mis sa barre au vent, halé bas son foc d’artimon, et présenté promptement le cap à l’ennemi. Cette manœuvre semblait être généralement attendue, et elle avait certainement été différée jusqu’au dernier moment, car le vaisseau de tête de la ligne française laissa porter de trois ou quatre quarts, et comme la frégate lui présentait en ce moment son avant, il lui envoya une volée de tous les canons qui pouvaient porter sur elle. Une de ses écoutes de hunier fut enlevée par ce feu rapide et inattendu, qui causa aussi quelques avaries dans les manœuvres dormantes, mais heureusement sans importance immédiate. Le capitaine Denham était actif, et dès qu’il vit que son hunier battait, il le fit promptement carguer, le remplaça par sa grande voile avec les ris pris, et la frégate vint au vent bâbord amures. Pendant le temps qu’on avait mis à orienter la Chloé au plus près, l’avarie du hunier avait été réparée, et la voile était prête à être établie. Pendant ces évolutions, qui n’exigèrent que quelques minutes, sir Gervais eut toujours les yeux attachés sur la frégate, et pour avouer la vérité, son esprit se sentit soulagé quand il la vit bien établie sur l’autre bord, orientée au plus près, et faisant bonne route sous sa grande voile.

— Pas une minute trop tôt, sir Gervais, dit le prudent Greenly en souriant. Je ne serais pas étonné si le vaisseau de tête de la ligne française avait encore quelques mots à dire à Denham. Ses canons de