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— Je n’en vois que deux, sir Gervais ; l’un au mât de misaine, l’autre à celui d’artimon comme le nôtre. Je puis voir aussi maintenant qu’il n’y a que douze vaisseaux de ligne, mais dans ce nombre il n’y a pas de trois-ponts.

— Croyez donc un bruit qui court ! C’est le plus grand menteur qui ait jamais remué la tangue. Ainsi douze vaisseaux à deux ponts et huit frégates, sloops et lougres ; il ne peut y avoir de grande méprise en cela.

— Je ne le crois pas, sir Gervais ; le commandant en chef est à bord du quatrième vaisseau. Il faut notre meilleure longue-vue pour distinguer son pavillon. — Tenez ! il hisse un signal en ce moment à sa corne.

— Si l’on pouvait lire le français à présent, Greenly, dit le vice-amiral en souriant, nous pourrions apprendre quelques-uns des secrets de M. de Vervillin. Peut-être est-ce un ordre pour appeler tout le monde à son poste ; ou pour faire branle-bas de combat. Regardez bien, Bunting ; voyez s’il y quelques indices d’une telle manœuvre. Que pensez-vous de ce signal ?

— Il s’adresse aux frégates, sir Gervais. Elles y répondent toutes, et les autres vaisseaux ne disent rien.

— On peut lire ce signal sans l’aide du français, dit le capitaine, les frégates elles-mêmes nous disent ce qu’il signifie. M. de Vervillin n’a pas envie de permettre au Plantagenet de prendre, presque sans coup férir, rien de ce qui lui appartient.

La conjecture était assez juste. À l’instant où le capitaine cessait de parler, on vit évidemment quel était le but de l’ordre qui venait d’être transmis ; car tous les bâtiments légers qui étaient au vent de la flotte française laissant porter tous à la fois grand largue et filant avec vitesse, tandis que sous l’allure pénible que les frégates et les corvettes venaient de quitter, elles filaient à peine deux nœuds, leur sillage fut tout à coup porté au quadruple et en quelques minutes, passant dans les divers intervalles de leur ligne, elles se replacèrent dans le même ordre qu’auparavant, presque à une demi-lieue sous le vent de leur escadre. Là, dans le cas d’une action, leur principal devoir aurait été de secourir les vaisseaux désemparés qui pourraient être forcés de quitter la place qu’ils occupaient pendant le combat. Sir Gervais regarda toute cette manœuvre d’un air contrarié ; il avait espéré que l’état du temps donnerait de la présomption à l’ennemi, et l’engagerait à laisser ses bâtiments légers dans leur première position.

— Ce serait un grand triomphe pour nous, Greenly, dit-il, si