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fut pour cette raison que les deux bouts joints ensemble tombèrent à environ vingt pieds au-dessous de l’endroit où il était.

— Tout va bien, Mildred, s’écria le jeune homme d’un ton de triomphe ; et tirant à lui le cordage, il le passa sur-le-champ autour de son corps, au-dessous des bras, comme précaution contre tous accidents. — Tout va bien maintenant, n’ayez plus aucune inquiétude pour moi.

Mildred se retira en arrière, car rien au monde n’aurait pu la décider à être témoin des efforts désespérés qu’elle savait qu’il allait avoir à faire pour se sauver. Sir Wycherly, qui avait regardé avec intérêt tout ce qui venait de se passer, recouvra en ce moment l’usage de la voix et crut pouvoir donner un bon conseil.

— Attendez, mon jeune ami, s’écria-t-il vivement quand il vit que le lieutenant allait faire un premier effort pour remonter sur le plateau à l’aide du cordage ; — vous n’en viendrez jamais à bout. Dutton et moi nous allons tirer la corde nous sommes en état de faire quelque chose à présent.

— Non, non, sir Wycherly, ne touchez pas à la drisse, je vous en prie ; en la halant sur le bord du rocher vous pourriez la couper, et alors je serais perdu sans ressource.

— Oh ! sir Wycherly, s’écria Mildred en joignant les mains, ne touchez pas à la corde, je vous en conjure.

— Nous ferons mieux de laisser le jeune homme agir à sa manière, dit Dutton ; — il est actif, résolu, bon marin, et je crois qu’il fera pour lui plus que nous ne pourrions faire. Il a tourné le cordage autour de son corps, ce qui le met à peu près à l’abri de tout accident.

Tandis qu’il prononçait ces mots, tous trois se retirèrent à quelques pas et attendirent l’événement avec la plus vive inquiétude. Dutton songea pourtant à prendre un bout de vieilles drisses qu’il avait dans un coffre au pied du mât, afin d’attacher ensemble les deux parties du cordage qui était passé autour du mât ; car si l’une d’elles était venue à se rompre, l’autre aurait nécessairement coulé, et le jeune homme aurait été précipité dans l’abîme, au lieu qu’avec cette précaution il serait du moins encore soutenu par la seconde. Le peu de grosseur du cordage rendait ce travail assez difficile ; Dutton y réussit pourtant, et se flatta alors que son jeune ami était plus en sûreté. Pendant ce temps, le lieutenant faisait tous ses préparatifs sans être vu, et bientôt la tension de la drisse annonça que son corps y était suspendu. Mildred tressaillit d’inquiétude à chaque secousse qu’éprouvait le cordage, et son père tremblait qu’il ne pût résister à une si forte tension. Le jeune Wychecombe avait à faire des efforts