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eût pu, en ce moment, tirer une ligne du petit mât de hune du Plantagenet à celui du Warspite, elle aurait traversé plus de la moitié des vaisseaux qui se trouvaient entre les deux, et aucun n’en aurait été à plus d’une portée de pistolet. Comme il existait six intervalles entre les bâtiments, et que chaque intervalle était d’environ une encâblure, la ligne s’étendait sur un espace d’un peu plus des trois quarts d’un mille.

De l’autre part, quoique les Français naviguassent en assez bon ordre, leur ligne était moins serrée et moins régulière. Quelques-uns de leurs bâtiments étaient à un quart de mille sous le vent de leur ligne, et les intervalles qui les séparaient étaient irréguliers et mal observés. Ces circonstances provenaient de différentes causes dont on ne pouvait accuser le commandant en chef, qui était un marin plein d’expérience et un tacticien habile. Mais ses capitaines n’étaient pas habitués à servir ensemble, et quelques-uns d’entre eux venaient seulement d’être chargés du commandement de leurs vaisseaux. Or, si c’est dans l’intimité du mariage qu’un homme apprend à connaître le caractère de sa femme, ce n’est qu’après avoir navigué longtemps sur un même vaisseau qu’un capitaine peut en connaître les qualités et les défauts, et par suite en tirer le meilleur parti possible.

Au moment dont nous parlons, la Chloé pouvait être à environ une lieue du premier bâtiment ennemi, et sa position sous le vent de son escadre menaçait de la mettre, une demi-heure plus tard, à portée des canons des Français. Ce fait était visible à tous les yeux dans l’escadre, cependant la frégate tenait bon, ayant été placée à ce poste, et tout étant sous la surveillance immédiate du commandant en chef.

— Il y fera chaud pour Denham, s’il continue encore longtemps la même route, dit Greenly quand il se fut passé dix minutes de plus pendant lequel temps les bâtiments s’étaient graduellement approchés.

— J’espérais qu’il pourrait se placer entre la frégate française la plus au vent et sa ligne, dit sir Gervais, car, dans ce cas, avec le Plantagenet, nous pourrions espérer de l’enlever en laissant porter rapidement sur elle.

— Et dans ce cas, nous ferions aussi bien de tout préparer pour le combat, car une telle manœuvre ne peut manquer d’amener un engagement général.

— Non, non ; je ne suis pas tout à fait assez fou pour cela, maître Télémaque ; mais nous pouvons attendre les chances un peu plus longtemps. — Combien de pavillons d’amiral comptez-vous sur l’escadre ennemie, Bunting ?