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observer au vice-amiral qu’il était probable que le Druide était seul, et qu’il pouvait avoir pour but de lui parler.

— Il y a quelque chose de plausible dans ce que vous dites ; Greenly, répondit sir Gervais après une minute de réflexion, et il faut y faire attention. Si Denham ne nous donne pas de nouvelles du comte qui doivent changer nos plans il pourra être à propos d’apprendre ce que nous veut le Druide.

Denham était le commandant de la Chloé, belle frégate de trente-six canons, qui plongeait au milieu des hautes lames qui arrivaient de l’Atlantique, l’eau ruisselant dans ses écubiers à mesure qu’elle s’élevait sur la lame, comme les jets d’eau d’un souffleur. Ce bâtiment, comme on l’a déjà dit, était à une bonne lieue en avant et sous le vent du Plantagenet, et par conséquent plus près, dans la même proportion, des Français qui s’avançaient de ce côté de l’Océan, sur une longue ligne semblable à celle des Anglais, mais un peu rompue par leurs bâtiments légers qui se tenaient au vent de leur ligne. La distance était encore assez grande pour qu’il fallût des longues-vues pour se faire une idée à peu près exacte de la force et de la route de l’escadre de Vervillin, dont les bâtiments étaient encore si éloignés que ce n’était qu’à l’aide d’une longue habitude qu’on pouvait reconnaître avec quelque certitude la force de chacun d’eux. Cependant rien ne démontrait mieux la supériorité pratique de la science navale des Anglais, que la manière dont les lignes respectives étaient formées. Celle de sir Gervais Oakes était compacte, chaque vaisseau se trouvant, à très-peu de chose près, à une encâblure de distance de celui qui le précédait, comme de celui qui le suivait. C’était un point dont le vice-amiral se piquait ; et en obligeant tous ses capitaines à suivre strictement cet ordre de marche sur une ligne, et en tenant toujours sous ses ordres, autant que possible, les mêmes bâtiments et les mêmes officiers, il avait réussi à faire apprendre à ses capitaines à bien connaître la marche de leurs bâtiments et ce qui était nécessaire pour se bien tenir à leur poste. Tous les bâtiments tenant bien le vent, quoique quelques-uns le tinssent encore mieux que les autres à un léger degré, il était facile de maintenir la ligne par le temps qu’il faisait, car le vent n’était pas assez violent pour que quelques voiles de plus ou de moins fussent un objet très-important. S’il y avait sur toute la ligne un vaisseau qui fût hors de sa place d’une manière sensible, c’était l’Achille. lord Morganic n’ayant pas eu le temps de rétablir toute sa mâture de l’avant, comme le vice-amiral lui en avait donné l’ordre, circonstance qui l’avait jeté hors de la ligne un peu plus qu’aucun des autres bâtiments. Néanmoins, si l’on