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Sir Gervais vit que ses bâtiments se comportaient noblement au milieu de la lutte des éléments. Chaque vaisseau était sous la même voilure, savoir la misaine, les ris pris ; une petite voile triangulaire en forte toile, espèce de tourmentin, placée en avant du mât de misaine ; une voile semblable sur le gaillard d’arrière en guise de foc d’artimon, et le grand hunier aux bas ris.

Plus d’une fois dans la matinée, le capitaine Greenly avait cru qu’il serait forcé d’offrir aux efforts du vent une surface plus basse que celle de la dernière voile qui vient d’être nommée ; mais comme c’était un puissant auxiliaire pour bien appuyer le vaisseau et le maintenir bien gouvernant, il avait toujours différé à en donner l’ordre, et quand il vint à se demander s’il pouvait faire ce changement sans exposera à un trop grand risque les hommes qu’il serait nécessaire d’envoyer sur les vergues, la résolution qu’il prit, fut qu’elle resterait en place ou qu’elle serait emportée par le vent, comme la fortune en déciderait. Le même raisonnement laissa presque tous les autres vaisseaux exactement sous la même voilure.

Les bâtiments de la division du vice-amiral s’étaient rapprochés pendant la nuit, suivant l’ordre qu’il en avait donné avant de quitter le mouillage, et qui leur avait prescrit de se tenir à la distance d’usage les uns des autres dans le cas où le vent les menacerait d’une séparation. Le moyen d’exécuter cet ordre avait été que les derniers bâtiments avaient conservé presque toute leur voilure, pendant que ceux qui étaient en avant avaient diminué de voiles. L’ordre de marche était : le Plantagenet à l’avant-garde, puis le Carnatique, l’Achille, le Foudroyant, le Blenheim, le Warspite, dans l’ordre où ils viennent d’être nommés, quelques changements ayant été faits pendant la nuit pour amener les vaisseaux de la division chacun à la place qu’il devait occuper dans le combat en ligne de bataille, le vice-amiral en tête. La supériorité du Plantagenet était évidente ; et le Carnatique seul, par une attention constamment soutenue, était en état de se maintenir littéralement sur la même ligne que le commandant en chef, tous les autres bâtiments graduellement, mais imperceptiblement, portant sous le vent du vaisseau amiral. Ces diverses circonstances frappèrent sir Gervais dès qu’il eut mis le pied sur la dunette, où il trouva Greenly examinant avec soin l’état du temps et la manière dont son vaisseau se comportait, et appuyé sur le guy afin de pouvoir résister à la force du vent. Le vice-amiral s’affermit sur ses jambes en les écartant l’une de l’autre, et se tint le visage tourné vers la ligne de ses bâtiments, qu’il examina successivement, à mesure que chacun d’eux, couché et labourant péniblement au milieu des montagnes d’écume