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les pieds, et il se trouva comparativement en sûreté. Le silence qui suivit la chute de la pointe du rocher dans la mer fut la suite du choc qu’il éprouva en se voyant dans une situation si périlleuse. Il était à environ six brasses du haut de la plate-forme, et l’endroit où il se trouvait était au-dessus d’une partie du rocher qui était littéralement perpendiculaire et hors de la ligne des pointes qui l’avaient aidé à descendre pour cueillir des fleurs. Il était physiquement impossible qu’un homme se tirât d’une pareille position sans le secours de personne. Le jeune lieutenant le reconnut du premier coup d’œil, et il passa le peu de minutes qui s’écoulèrent entre son accident et le moment où il fut aperçu par ses amis à réfléchir sur les moyens à prendre pour sortir d’embarras. Nul autre qu’un marin accoutumé à monter au haut des mâts n’aurait eu les nerfs assez fermes pour se maintenir plus d’une minute dans une telle situation et s’il y réussit, il le dut en partie aux arbrisseaux.

Dès que le baronnet et Dutton entrevirent la position dangereuse du jeune officier, ils reculèrent avec effroi, comme s’ils eussent craint de perdre la tête et d’être précipités sur lui. Ils se couchèrent ventre à terre, se rapprochèrent en rampant du bord du précipice, et, la tête avancée par-dessus jusqu’au menton, ils regardèrent leur malheureux ami. Le jeune homme ne pouvait les voir, car il avait le dos tourné au rocher, et il ne pouvait sans danger ni se retourner, ni même lever la tête en l’air. Le péril extrême du jeune Wychecombe avait fait perdre à Mildred toute crainte personnelle. Elle était debout au bord du précipice, avec une fermeté dont elle aurait été incapable dans des circonstances moins urgentes. Elle avança même la tête au point de permettre au jeune homme d’entrevoir les beaux cheveux qui tombaient en désordre sur son front.

— Mildred, s’écria-t-il, pour l’amour du ciel, reculez de quelques pas. Je vous ai vue, je sais que vous êtes là, et nous pouvons nous entendre sans que vous ayez besoin de vous exposer à un si grand risque.

— Que pouvons-nous faire pour vous sauver, Wychecombe ? Dites-le-moi, je vous en prie, car sir Wycherly et mon père ne peuvent rien imaginer.

— Et vous prenez tant d’intérêt à moi, Mildred ! Mais ne vous inquiétez pas ; faites ce que je vais vous dire, et tout ira bien. J’espère que vous m’entendez, et que vous comprenez ce que je vous dis ?

— Parfaitement je n’en perds pas une syllabe. Parlez.

— Eh bien, courez au mât des signaux, dépassez les drisses des