— Adieu, sir Reginald. Quand nous nous reverrons, l’avenir sera probablement couvert de moins de nuages pour nous tous. Mais qui nous arrive ici en courant comme un fou ?
Un homme accourait vers le rivage dans l’obscurité, et ce ne fut que lorsqu’il arriva à deux pas de Bluewater qu’on reconnut Wycherly. Il avait entendu les coups de canon et vu les signaux. En devinant la raison, il était sorti à la hâte du parc dont il était alors le maître, et où il se promenait pour calmer son émotion et craignant d’être laissé à terre, il avait couru sans s’arrêter jusqu’au rivage ; il arrivait à temps car, une minute après, la barge s’éloigna du promontoire.
CHAPITRE XIX.
n ne connaît jamais complétement l’étendue du mouvement qui
agite le sein de l’Océan, jusqu’à ce qu’on en ait éprouvé l’action soi-même.
Alors chacun en ressent le pouvoir et en reconnaît les dangers. Le premier mouvement de sa barge dit à Bluewater que la nuit
menaçait d’être sérieuse. Tandis que les canotiers se courbaient pour
faire force de leur bras vigoureux sur leurs avirons, le petit esquif
montait sur le haut d’une lame, divisant l’écume qui passait rapidement des deux côtés comme une aurore boréale marine, et se plongeait
ensuite dans le creux des lames, comme s’il fut descendu au
fond de la mer. Il fallut des efforts puissants et combinés pour l’éloigner du voisinage dangereux des rochers, et pour en maîtriser complétement les mouvements ; ce point atteint, l’équipage expérimenté
fit avancer la barge lentement, mais avec uniformité.
— Mauvaise nuit, murmura Bluewater, se parlant à lui-même presque sans y songer, mauvaise nuit ; mais nous aurions pu nous en trouver plus mal si nous fussions restés à l’ancre. Oakes aura quelques mauvaises heures à passer là-bas à l’entrée de la Manche, avec une forte houle à l’ouest, luttant contre le jusant.