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pense donc que l’escadre française gouverne dans cette direction ?

— Telle est l’information que nous avons reçue. Avez-vous quelque raison pour supposer à l’ennemi des intentions différentes ?

Le baronnet se tut et eut l’air de réfléchir. Ce qui s’était déjà passé avait suffi pour lui faire sentir qu’il n’avait pas affaire à un esprit d’une trempe ordinaire, et il éprouvait quelque embarras pour lui répondre. Il avait bien résolu de faire tomber Bluewater dans ses filets, et les esprits qui aident les intrigants lui suggérèrent en ce moment le plan qui était le plus propre à faire réussir son projet. Le contre-amiral avait laissé voir son aversion pour toute intervention étrangère, et il pensa avec raison qu’en touchant de nouveau cette corde, les vibrations s’en feraient sentir jusqu’au fond du cœur de son compagnon.

— Nous avons certainement reçu aussi nos informations, répondit-il du ton d’un homme qui ne pouvait dire tout ce qu’il savait, mais la bonne foi exige que je ne les fasse pas connaître en ce moment. Cependant on peut raisonner d’après les probabilités. Le duc de Cumberland va réunir ses auxiliaires allemands, et il faut qu’ils arrivent en Angleterre de telle manière qu’ils le pourront. Un ennemi intelligent, et ayant à ses ordres une flotte bien équipée, souffrira-t-il cette jonction, s’il peut l’empêcher ? Nous sommes certains du contraire ; et si nous prenons en considération le moment précis où le comte de Vervillin a mis en mer, l’ignorance probable où il est de la présence de votre escadre dans la Manche, et toutes les autres circonstances de l’affaire, quelle intention peut-on lui supposer, si ce n’est celle d’intercepter le convoi des régiments allemands ?

— Tout cela paraît plausible, et pourtant les signaux de l’Actif nous ont informés que les Français gouvernaient à l’ouest, et cela par un vent léger d’ouest.

— Les flottes, de même que les armées, ne font-elles pas souvent de fausses démonstrations ? N’est-il pas possible que M. de Vervillin, tant que ses vaisseaux ont été en vue du rivage, se soit dirigé vers l’ouest avec l’intention de retourner à l’est dès que les ténèbres les couvriraient, et de remonter la Manche peut-être sous pavillon anglais ? Ne peut-il pas même passer ainsi le détroit de Douvres, en se faisant prendre pour une escadre anglaise, la vôtre par exemple, et tromper ainsi vos croiseurs, jusqu’à ce qu’il trouve l’occasion de prendre ou de couler à fond les bâtiments de transport amenant les troupes hanovriennes ?

— Cela serait, difficile, sir Reginald, répondit Bluewater en souriant. — Un bâtiment français ne peut pas plus être pris pour un