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peut devenir sa propre ennemie plus que la France ne l’a jamais été. Accordant ensuite que des siècles de guerre peuvent avoir contribué à éveiller un sentiment du genre de celui auquel vous venez de faire allusion, n’y a-t-il pas aussi la question du droit et du tort à examiner ? Réfléchissez combien de fois l’Angleterre a envahi le territoire français ; combien de maux elle y a occasionnés tandis que nous avons eu si peu de plaintes semblables à faire contre la France. Songez que le trône de ce pays a même été occupé par nos princes, et que nos armées se sont mises en possession d’un grand nombre de ses provinces.

— Je crois que, dans tous ces différents cas, vous ne jugez pas assez équitablement. Une partie de ce qui est aujourd’hui la France était l’héritage légitime de monarques assis sur le trône d’Angleterre, et les querelles entre ces deux pays n’étaient que celles qui naissent souvent du voisinage. Quand nos prétentions étaient justes en elles-mêmes, vous n’auriez sûrement pas voulu nous voir y renoncer.

— J’en suis très-loin ; mais quand des prétentions sont contestées, n’est-il pas naturel que celui qui perd se croie lésé ? Je pense que nous aurions eu un bien meilleur voisinage, comme vous l’appelez, avec la France, si les difficultés modernes relatives à la religion ne fussent sur venues.

— Je présume que vous savez, sir Reginald, que toute ma famille et moi nous sommes protestants ?

— Je le sais, amiral Bluewater, et je me réjouis sincèrement en voyant qu’une différence d’opinion sur cette grande question n’en entraîne pas nécessairement une sur toutes les autres ? D’après quelques petites allusions qui ont eu lieu entre nous, je suis porté à penser que nous avons les mêmes sentiments sur certaines affaires temporelles, quelque grande que soit la différence, qui nous sépare en matières religieuses.

— J’avoue que je suis arrivé à la même conclusion ; et si j’ai eu tort, je regretterais beaucoup d’être détrompé.

— Pourquoi donc userions-nous encore de réserve ? Deux hommes d’honneur peuvent sûrement sans danger se confier l’un à l’autre leurs sentiments secrets dans un moment qui exige de la franchise et de la résolution. Je suis jacobite, amiral Bluewater, et si je risque ma vie et ma fortune en faisant cet aveu, je mets l’une et l’autre à votre merci.

— Elles ne peuvent être en des mains puis sûres, Monsieur, et je ne connais pas de meilleur moyen pour vous donner toute l’assurance possible que je n’abuserai pas de votre confiance, que de vous dire