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être à cette profession que le costume plus somptueux qui a été adopté par la suite. Personne ne portait d’épaulettes, et le bouton à ancre placé sur un habit dont on appelait la couleur « bleu marin » parce qu’il était censé représenter celle de l’Océan, avec des revers blancs, était ce qui caractérisait principalement ce costume. L’individu que nous présentons en ce moment à nos lecteurs, et qui se nommait Dutton était simplement l’officier chargé de surveiller la station des signaux. Son uniforme, qu’il portait fort bien, son linge, en un mot toute sa mise, étaient d’une propreté qui indiquait que le soin de sa garde-robe était confié à quelque personne qui y donnait plus d’attention qu’il ne l’aurait probablement fait lui-même. À cet égard on ne pouvait trouver rien à redire à son extérieur, et il avait un air qui prouvait que la nature, sinon l’éducation, l’avait destiné à être quelque chose de mieux que ce qu’il était alors.

Dutton était déjà à son poste pour s’assurer, à l’instant où le rideau de brouillard qui couvrait la face de l’Océan commencerait à se lever, s’il n’y avait pas en vue quelque bâtiment qui eût besoin qu’il remplît ses fonctions. Il était évident qu’il y avait sur le promontoire quelque autre personne à peu de distance de lui, quoiqu’on n’y vît que lui seul, car ils s’adressaient la parole de temps en temps. La direction du son de la voix du second interlocuteur semblait indiquer qu’il était descendu de l’autre côté du rocher, et qu’il se trouvait à une centaine de pieds au-dessous du faîte du promontoire.

— Souvenez-vous de la maxime du marin, monsieur Wychecombe, cria Dutton d’un ton qui semblait donner un avis, un bras pour le roi, et l’autre pour soi. Ces rochers sont dangereux, et réellement il ne semble pas naturel qu’un marin comme vous ait une passion pour les fleurs au point de risquer son cou pour cueillir un bouquet.

— Ne craignez rien pour moi, monsieur Dutton, répondit une voix mâle et sonore qu’on aurait pu jurer sortir de la poitrine d’un jeune homme ; ne craignez rien pour moi ; nous autres marins nous sommes habitués à nous tenir suspendus en l’air.

— Sans doute, jeune homme, sans doute, à l’aide de bons cordages. À présent que le gouvernement de Sa Majesté vient de vous faire officier, c’est une sorte d’obligation pour vous de prendre soin de votre vie, afin de pouvoir l’employer, et même la perdre au besoin pour le service du roi.

— Cela est vrai, monsieur Dutton, — très-vrai ; — si vrai, que je suis surpris que vous jugiez nécessaire de me le rappeler. Je suis plein de reconnaissance pour le gouvernement de Sa Majesté, et je…

Pendant qu’il parlait ainsi, sa voix semblait descendre, et était